Culture de l’erreur

Marie-Josée Boudreau, responsable de la coordination et des pratiques syndicales

 

Vous êtes-vous trompé aujourd’hui ?

Moi, oui. 

En fait, confidence : je me trompe souvent. 

Parfois, ce sont des erreurs banales et sans conséquences : je croyais avoir vu de la fécule de maïs dans mon armoire et elle semble avoir disparu. À part un poulet général Tao plus mou, pas de tsunami en vue. J’avais prévu 15 minutes en classe pour répondre au numéro trois, mais le groupe le termine en 6 minutes top chrono. Encore là, personne ne déchirera sa chemise, surtout pas mes ouailles qui finiront peut-être neuf minutes plus tôt.

D’autres fois, sans être une catastrophe, mes actions ont plus d’impact : j’oublie d’envoyer un document important à mes étudiants et étudiantes alors qu’ils et elles en ont besoin pour faire avancer leur projet de fin d’année. Autre exemple : j’analyse des documents en préparation à une réunion, mais je ne vois pas le mauvais calcul qui causera des maux de tête à un département. 

Pourquoi je vous parle de mes erreurs ? Parce que je réfléchis beaucoup, ces temps-ci, à ce qui ne va pas au cégep. J’essaie de comprendre pourquoi on a l’impression de moins se comprendre, de s’isoler davantage, parfois même de devoir se justifier et se défendre, alors qu’il me semble que notre mission devrait nous réunir. Ultimement, ne sommes-nous pas tous et toutes ici pour nos étudiants et nos étudiantes ?

Je n’ai pas les réponses à ces questions, mais je tente quand même une toute petite piste de solution parmi tant d’autres. Dans notre Collège, à l’heure actuelle, la multiplication des interlocuteurs, le jeu de chaise musicale entre les services et la mise en place de systèmes d’appels de service ont un effet pervers : personne ne semble imputable lorsqu’une erreur se produit. En fait, on n’admet même plus cette erreur : c’est un glissement dans la communication, une faille dans le processus, un oubli tout à fait exceptionnel. Ou alors, on la camoufle en espérant que les personnes concernées ne s’en rendront pas compte.

Pourtant, identifier les failles et les reconnaître, c’est montrer qu’on est conscient du travail à faire et des améliorations à apporter. L’erreur est humaine. Pourquoi les membres de notre organisation ont-ils tant de mal à admettre qu’ils et elles se trompent ? Parce qu’entre vous et moi, si on commet une erreur dans mon dossier et qu’on vient m’en parler d’humain à humain, en reconnaissant les impacts qu’elle peut avoir sur moi, je comprendrai la situation. Ce geste vers l’autre permet l’empathie. Je dirais même qu’il encourage la confiance : on croit davantage quelqu’un si on sait qu’il nous signalera aussi ses mauvais coups.

Je ne parle pas ici de se promener entre les bâtiments de la rue de l’Évêché en battant sa coulpe, et en demandant pardon dans un geste de contrition. C’est beaucoup plus simple : parfois, il faudrait juste un “Je suis désolé, on l’a vraiment échappé dans ce dossier-là. Je vais tout faire pour que ça ne se reproduise pas.”

Je reprends donc ma question. Vous êtes-vous trompé aujourd’hui ? 

Si oui, l’avez-vous admis ?