Modifications au régime syndical

Hugo Boulanger, responsable des communications, de la mobilisation et de la gestion interne

 

Offensive du gouvernement contre le fonctionnement syndical

Connaissez-vous le concept de la lucidité terminale? Il s’agirait en fait d’un phénomène où on constate un retour inattendu de la conscience, de la clarté mentale ou de la mémoire d’un individu en phase terminale, et ce, juste avant son trépas. C’est exactement ce que connait le gouvernement moribond de la CAQ qui multiplie les gestes de diversion, cherchant à détourner l’attention des électeurs des fiascos qui s’enchaînent à une troublante vitesse. François Legault, frappé de cet éclair de lucidité, cherche donc à s’accrocher à l’exercice du pouvoir en s’attaquant notamment aux pratiques syndicales qu’il accuse de plusieurs méfaits comme de contester des Lois devant les tribunaux, de discuter de questions sociales, de soutenir financièrement des organismes de bienfaisance ou encore d'acheter des publicités visant, notamment, à éveiller la conscience collective. 

 

Signe de Lazare

Le signe de Lazare consiste en un mouvement réflexe, le plus souvent des membres supérieurs, qui survient malgré la mort cérébrale. Justement, il semble que ce réflexe ait frappé le gouvernement de la CAQ qui a choisi de brasser ses cartes en procédant à un ultime (et pathétique) remaniement ministériel. Geste hautement symbolique à la portée questionnable puisqu’il ne servira pas à grand-chose considérant le temps restant avant les prochaines élections. 

Ainsi, notre chère députée Maïté Blanchette-Vézina s’est vu montrer la porte de ses ministères et a répliqué en quittant le caucus de la CAQ, profitant de l’occasion pour écorcher son ancienne formation politique. Dans la foulée des événements, elle prétend jouer le rôle de bouc émissaire et assure que désormais, elle ne sera plus utilisée par quiconque en siégeant comme députée indépendante. Rappelons-nous toutefois que c’est cette personne qui a signé le projet de loi sur le régime forestier (PL-97), porté le projet de loi 93 (sous bâillon) pour battre une résolution de la municipalité de Blainville pour qu’une entreprise américaine y enterre ses déchets toxiques (trop toxiques pour les États-Unis et l’Ontario visiblement) et qui est restée de marbre devant l’annonce des compressions budgétaires imposées à l’enseignement supérieur. Son collègue Youri Chassin, candidat vedette de la CAQ en 2022, a également choisi de se retirer, soudainement, en désaccord avec les orientations économiques de son gouvernement. À ces sages personnes s’ajoutent : Joël Boutin, Pierre Fitzgibbon, Éric Lefebvre, Andrée Laforest, Pierre Dufour, Lionel Carmant et tout récemment Isabelle Poulet. Comme quoi, lorsque le bateau coule, les proverbiaux rongeurs quittent le navire.

Autre mouvement fantaisiste, celui de la nomination de Bernard (« lâchez-moé avec les GES», souvenez-vous) à l’environnement. Ai-je besoin d’en dire plus? À part l’industrie minière, existe-t-il une âme sensée qui considère que c’est une bonne décision? 

En ce qui concerne l'enseignement supérieur, l'invisible Pascale Déry (« pourquoi je démissionnerais? », souvenez-vous) s’est aussi vue expulsée du Cabinet ministériel après avoir regardé passivement le réseau collégial subir des compressions budgétaires historiques de 151 millions de dollars. Des coupures qui s’ajoutaient d’ailleurs à deux autres mesures d’austérité importantes (gel d’embauche et plafond des heures travaillées). Sa successeure, Martine Biron, a par ailleurs déjà annoncé qu’elle garderait sensiblement les mêmes orientations économiques au regard du réseau collégial… 

La très arrogante Geneviève Guilbault semble toutefois avoir évité le plus gros du coup en glissant, telle une couleuvre, du ministère des Transports vers celui des Affaires municipales, assurément emportée par le fiasco SAAQ Clic. La seule bonne nouvelle selon moi est la nomination de son successeur Jonatan (ça s’écrit comme ça se prononce) Therrien au ministère des Transports. Pourquoi? Disons simplement qu’avec cet obscur personnage, il n’y a aucune, mais alors aucune chance que le projet de 3e lien dont personne ne veut à Lévis voie le jour.

Je termine cette tirade avec la nomination de France-Élaine Duranceau, ennemie assumée du prolétariat, qui passe du ministère de l’Habitation (yay, elle est partie!!) à la présidence du Conseil du trésor (booouuu!!!). Comme quoi, laisser les cordons de la bourse à une millionnaire complètement déconnectée de la réalité économique des travailleuses et travailleurs de la classe moyenne semble être LA solution au marasme actuel. Le loup quitte enfin la bergerie, mais seulement pour aller s’installer au poulailler.

 

Démocratie syndicale vs démocratie gouvernementale

Aux dires du ministre Boulet, le projet de loi 3 sur la réforme du régime syndical est censé protéger les travailleuses et travailleurs de leur syndicat. Prenez deux secondes pour relire cette grossière affirmation, s’il vous plaît. Voici, en quelques mots, les principales visées de cette législation ainsi que les hypothèses relatives à sa conception.

Tout d’abord, le projet de loi définit comme « Association accréditée » les syndicats représentant l’ensemble d’un groupe de personnes salariées d’un employeur, en l'occurrence un groupe comme celui du SEECR. Elle classe en « Association de salariés » les fédérations comme la FEC et les centrales comme la CSQ.

Elle impose aux Associations accréditées de faire des vérifications financières avec les principes comptables généralement reconnus selon le modèle suivant:

  • 50 membres ou moins: statu quo
  • 50 à 199 membres: mission d’examen (frais minimum de 5000$)
  • 200 membres et plus: audit

 

Pour le SEECR, c’est donc un audit financier complet qui serait exigible après l’adoption de cette loi dans sa forme actuelle. On parle d’un minimum de 15 000 $ dans un milieu concurrentiel. Nous sommes à Rimouski et les firmes spécialisées en la matière ne courent pas les rues, dois-je le rappeler… La loi exige également que ces associations produisent des rapports financiers à présenter aux membres en Assemblée générale. Sur celle-là, on se réjouit : nous pourrons finalement continuer à vous endormir avec nos présentations financières tout en nous sachant soutenus par la loi! Pourquoi cette disposition? Simplement pour éviter des dérives comme on l’a vu récemment dans des centrales aux pratiques financières douteuses et opaques. Nous serions bien mal avisés de nous prononcer contre ces exigences financières à vrai dire. Mais, nous pouvons être pour la transparence et tout de même nous opposer à l’ingérence gouvernementale.

Il nous faudra également identifier les cotisations facultatives. Encore faut-il être capable de les identifier. Selon le ministre Boulet, ce sont des sommes destinées à financer :

« Des actions liées à une intervention ou à une représentation dans une affaire civile, administrative, pénale ou criminelle ou, préalablement, lorsque cette affaire concerne le caractère opérant, l’application constitutionnelle, ou la validité d’une disposition d’une loi, d’un règlement, d’un décret du gouvernement, ou d’un arrêté ministériel. »

Ces sommes représentent habituellement de 3 % à 5% de vos cotisations annuelles. Pourquoi cette offensive? Simplement parce que le gouvernement ne veut plus que les syndicats contestent ses lois comme le fait la FAE au sujet de la Loi sur la laïcité de l’État. En somme, votre gouvernement vous propose d’arrêter de lui mettre des bâtons dans les roues. Il préfère que vos cotisations servent en partie à la vérification financière. Notez également que les décisions en lien avec les cotisations facultatives devront être tenues à vote secret, et ce, sur une période de 24 heures. Cela nous obligera probablement à procéder électroniquement.

Autre disposition : les changements de statuts devront désormais être adoptés à la majorité, et ce, sans vote secret. Ça adonne bien, nous procédons déjà ainsi. Oh oui, ils doivent être révisés aux cinq ans minimalement. Nous le faisons chaque année… Fiou! 

Je n’aborde pas le reste des dispositions puisque nous répondons déjà localement au modèle qui sera exigible lors du dépôt en ce qui concerne les convocations et les modalités d’exercice du vote.

Je pense que nous pouvons nous questionner collectivement sur la pertinence d’un tel projet de loi qui visiblement n’a pas vraiment pour objectif de protéger les travailleuses et travailleurs de leur association syndicale. Il s’agit plutôt d’une offensive revancharde destinée à mater les actions des groupes sociaux qui font office de contre-pouvoirs au Québec. Chaque contribuable paie sa part de taxes et d’impôts au Québec et le gouvernement ne les consulte pourtant pas dans l’exercice du pouvoir. Je donne ici quelques exemples de projets d’investissement pour lesquels j’aurais aimé jouer la carte du « opting out » comme le propose notre bon gouvernement avec les cotisations facultatives :

  • Les nombreuses études sur le fameux 3e lien : plus de 120 millions $
  • La filière batterie (Northvolt, Lion électrique) : 700 millions $
  • SAAQ-clic : 432 millions $ en dépassement de coûts
  • Dossiers numériques en santé : 265 millions $ investis en phase initiale avant l’abandon
  • Airbus : 400 millions $ en investissements perdus (pour l’instant)
  • Prêts pardonnables aux entreprises : plus de 1 milliard $ (pour l’instant)

Tout ceci sans consultation/autorisation préalable des citoyennes et des citoyens et surtout sans aucune implication syndicale non plus! #cestlafauteauxsyndicats-not!