Le syndicalisme se veut un moteur de progrès social, un rempart contre les injustices du monde du travail. Pourtant, derrière les discours sur l’égalité et la solidarité, les femmes doivent encore se battre pour obtenir une place à la table des décisions. Si leur présence est indéniable sur le terrain, dans les assemblées et sur les lignes de piquetage, leur accès aux postes de pouvoir reste limité. Un paradoxe qui persiste malgré des décennies de luttes féministes et syndicales et ce serait coucou de croire que c’qui a été gagné ne peut être perdu.
Dans le secteur de l’enseignement supérieur, la situation est tout aussi révélatrice. Bien que les femmes représentent une large proportion du personnel enseignant et administratif, elles demeurent sous-représentées dans les postes de direction et de négociation syndicale. Les professeures, chargées de cours et chercheuses doivent composer avec une culture institutionnelle qui valorise encore largement les carrières masculines, particulièrement dans les domaines scientifiques et techniques. Lorsqu’il est question de reconnaissance professionnelle et de conditions de travail, les inégalités persistent et les revendications spécifiques aux femmes tardent à être considérées comme prioritaires. Même ici, ça prend tout pour sortir des vœux pieux lorsqu’on aborde la conciliation travail-famille-vie-personnelle ou quand vient le temps d’envisager faciliter l’implication des femmes dans les instances syndicales : on patauge souvent dans l'ignorance de ce que ça représente que de conjuguer carrière, lutte syndicale et maternité choisie ou souhaitée.
Pourtant, l’engagement des femmes dans le milieu syndical n’est plus à démontrer. Au piquetage, dans les assemblées générales, elles sont souvent en première ligne. Ce sont elles qui défendent les droits des autres avec passion, qui portent les luttes sur leurs épaules même si elles (et les enjeux qu’elles revendiquent) se retrouvent trop souvent écartées des priorités, quand vient le temps de choisir.
Les secteurs où les femmes sont majoritaires, comme la santé, l'éducation ou les services sociaux, continuent d'être soumis à des conditions de travail souvent précaires. Quand vient le temps de négocier, il semble que les priorités passent ailleurs, là où les revendications paraissent plus « sérieuses ». Le bien-être des enseignantes, des préposées aux bénéficiaires ou des travailleuses sociales peut sûrement attendre encore un peu.
Ce constat dépasse d’ailleurs largement le cadre syndical. Dans l’ensemble du monde du travail, les femmes demeurent confrontées à des inégalités persistantes. Elles continuent d’occuper une majorité des emplois précaires et sous-payés, tout en portant une charge disproportionnée de responsabilités familiales. L’écart salarial, bien qu’ayant diminué avec les années, reste une réalité tangible : au Québec, les femmes gagnent encore en moyenne 13 % de moins que leurs collègues masculins pour un travail équivalent. Dans certains secteurs, cet écart est encore plus prononcé. Sans parler de la progression professionnelle, où les femmes qui réussissent à accéder à des postes de haut niveau doivent constamment prouver leur légitimité et ne sont souvent pas jugées à partir des mêmes attentes.
Cette situation devient encore plus préoccupante dans un contexte où les idéologies d’extrême droite prennent de l’ampleur, remettant en question des acquis pourtant jugés fondamentaux. On peut parfois avoir l’impression, dans nos chambres d’échos, que nos politiques sociales visent le meilleur pour toutes et tous mais, partout dans le monde et même ici, au Québec, on observe un discours réactionnaire qui s’attaque aux droits des femmes, à l’avortement, à la diversité et aux politiques d’égalité. Ce climat n’est pas anodin, il est même extrêmement dangereux : il influence les débats publics et, par ricochet, les priorités politiques et syndicales. Car si les avancées féministes ne sont jamais acquises, elles peuvent aussi être freinées, voire détricotées ou simplement reniées par des mouvements hostiles aux revendications d’égalité. Rester vigilant et s’assurer que les syndicats, tout comme l’ensemble du monde du travail, ne se laissent pas entraîner dans cette vague régressive est plus essentiel que jamais.
En ce 8 mars, il faut (notamment) mettre en lumière le rôle crucial des femmes dans le monde syndical. Celles qui jonglent entre leur travail, leur engagement et des plafonds de verre toujours bien en place. Celles qui espèrent voir leurs enjeux traités avec sérieux. Et surtout, saluons leur résilience et leur détermination à travailler, envers et contre tout, pour que l’égalité soit un objectif atteignable (même dans un milieu qui prône déjà l’équité et la justice sociale).