Rencontrer Claudine Chouinard est un plaisir et un véritable moment d’apaisement. Discuter avec elle calme et nous donne la chance de prendre un instant pour nous laisser inspirer. Le sujet de la communication reviendra de façon récurrente dans l’échange et, effectivement, Claudine est une excellente communicatrice qui nous a donné envie d’assister à ses cours.
La rencontre a eu lieu en octobre, dans la foulée de la Journée mondiale des enseignants et des enseignantes. Nous vous l’offrons aujourd’hui, alors qu’elle est à quelques mois de son départ à la retraite, que nous devinons pleine de projets (mille excuses pour le long délai) !
NOM : Claudine Chouinard
Enseignante en Techniques de travail social depuis 1999.
Pourquoi as-tu choisi l’enseignement collégial ?
J’ai fait mon DEC ici. J’ai toujours eu un intérêt pour le développement. Quand j’ai fait mon stage, en 1993, j’ai travaillé, entre autres, à la création de la Maison des familles. À l’époque, c’était à la petite Maison de la musique, le Cégep nous prêtait un local. Quand est arrivé 1999-2000, à l’actualisation du programme en TTS, quelqu’un me dit qu’il y a un cours qui s’appelle Développement et gestion des ressources sociales qui s’apparente à la démarche de développement que j’avais entreprise dans mon stage. Je trouvais ça rapide, mais j’ai décidé de poser ma candidature parce que j’allais enseigner une matière qui allait ressembler à mon expérience terrain. Il faut dire que ce qui m’a amenée aussi en enseignement collégial, c’est la possibilité de me servir de ma créativité. J’ai vraiment pu le faire en développant des cours, entre autres en créant un quartier virtuel pour le cours Intervention auprès des groupes et des communautés. J’ai même créé des personnages du quartier : certains élèves pensaient que les personnes existaient vraiment !
Est-ce qu’il y a des moments où tu as regretté ton choix ?
Regretter, non, mais il y a quand même un petit bout où je me suis ennuyée du terrain. Je me suis demandé ce que je faisais, mais j’ai quand même décidé de rester. Quand je regarde tous les cours que j’ai donnés, je me rends compte à quel point c’est une belle expérience.
Qu’est-ce qui te plait dans le métier d’enseignante ?
D’abord, l’approche par compétences, c’est quelque chose qui m’a interpellée. Pouvoir mettre l’étudiant, l’étudiante au centre de ses apprentissages, pouvoir le ou la mettre en action rapidement, pouvoir avoir une cible de formation bien bien claire.
Il y a aussi le contact avec les étudiants et les étudiantes. Rentrer dans une classe, c’est exigeant, mais je me rends compte que ce que j’aime, c’est réussir à les amener à réaliser des épreuves terminales qui sont très proches de leur pratique. En plus, je suis dans une matière qui me fait vibrer, alors quand je rentre dans ma classe, ma motivation est à 12 / 10 en partant !
Qu’est-ce que tu trouves le plus difficile dans ton métier ?
C’est probablement contre-nature dans ma profession, mais mettre une note à un être humain, j’ai de la misère avec ça. Donner de la rétroaction de façon constructive pour que la personne puisse s’améliorer, ça va, mais noter, je trouve ça pénible. Les étudiants et les étudiantes qui ont moins de motivation aussi, je trouve ça plus difficile. Avec le temps, j’ai appris à faire la part des choses et à ne pas tout prendre sur mes épaules.
Est-ce que tu as des modèles qui t’ont inspirée, en enseignement ?
Deux modèles, en fait. La première était enseignante en TTS, Doris Langlois. Elle créait des dynamiques de classe exceptionnelles par la créativité. Comme étudiante, j’embarquais totalement et ça m’a beaucoup inspirée. Le deuxième était un professeur dont j’ai oublié le nom à l’université. Il enseignait le cours de politiques sociales. Moi, j’avais eu à donner ce cours-là au cégep et ça avait été difficile. Lui, dès le premier cours, il nous avait fait ouvrir notre portefeuille et il nous avait demandé de faire des liens entre le contenu de notre portefeuille et le filet social. J’ai trouvé ça intéressant, l’enseignement d’impact. Comme je faisais mon baccalauréat tout en enseignant, ça m’inspirait beaucoup. Il commençait son cours en s’assoyant avec nous, en discutant avec nous.
As-tu des moments marquants de ta carrière à nous partager ?
Ce qui me vient, c’est un moment où j’ai enseigné le cours d’Intervention de groupe avec une collègue. On était en train de faire une simulation d’intervention et un étudiant a levé la main et a dit : « Là, je trippe vraiment sur ce qu’on est en train de vivre ». C’est un beau souvenir parce que j’ai eu l’impression que ça faisait la différence.
J’ai plein de beaux moments avec les collègues. C’est la dimension affective de l’équipe dont je vais me souvenir. Avoir des attentions pour les autres, faire des 5 à 7, des soupers, se faire des surprises. J’ai été tellement bien accueillie à mon arrivée, j’ai été accompagnée, épaulée.
Quels conseils donnerais-tu à un.e enseignant.e qui aborde son premier trimestre ?
Je suis rentrée avec l’illusion que tout le monde serait motivé dans la classe. Il a vraiment fallu que je m’ajuste. Je dirais donc à un ou une enseignante qui commence de ne pas tout porter sur ses épaules. Il y a une partie de la réussite et de l’apprentissage de l’étudiant ou de l’étudiante qui lui appartient. Il faut être là pour l’accompagner s’il ou si elle a envie d’avancer, mais on ne peut pas le faire à sa place.
Ta retraite est pour bientôt. Qu’est-ce que tu crois que les collègues retiendront de toi ?
Mes collègues disent que ma force, c’est la communication. Je suis capable de nommer les choses de façon constructive, de bien nommer les choses tout en proposant les solutions. Le côté créatif, aussi. C’est certain que c’est un côté de moi que mon équipe connaît bien.