Comme vous le savez sûrement, votre comité d’action pour la réussite en première année, formé de Jean-Nicholas Audet, Josée Larouche et Sara Trottier accompagnés par Julie McDermott au SEECR, a planché tout l’automne pour trouver des actions concrètes à mettre en œuvre pour favoriser l’accueil, l’intégration et la réussite de ceux et celles qui entament leur formation chez nous. Les résultats de nos recherches devraient être diffusés en janvier prochain.
Le contexte dans lequel nous avons mené nos travaux est loin d’être anodin. Bien que la diplomation — assimilée à la réussite par le Ministère — soit un enjeu historique au sein du réseau collégial, elle l’est particulièrement dans le contexte de pénurie de main-d’œuvre actuelle. C’est entre autres pour y répondre que le Ministère a lancé le Plan d’action pour la réussite en enseignement supérieur (PARES) à l’automne 2021. Par cet impératif de répondre aux besoins du marché, on constate que la population étudiante est considérée à des fins majoritairement économiques, et qu’on oublie l’élément principal derrière leur réalité : les apprentissages, qui intègrent à la fois le savoir-faire, l’esprit critique, l’amour de la connaissance, la socialisation et le développement de l’individu comme citoyen.
L’objectif majeur du PARES est d’augmenter le taux de diplomation au collégial1, actuellement à 64 %, à 70 % en 2027. Ce taux général oscille depuis 30 ans entre 62,4 % et 65 %, mais il varie davantage lorsqu’on observe certaines populations particulières (hommes, femmes, autochtones, internationaux, EESH, en retour aux études, etc.). L’un des axes du PARES est donc d’augmenter l’accessibilité aux études des populations historiquement sous-représentées dans l’enseignement supérieur.
Pour ce faire, d’importantes sommes sont investies dans les collèges. Entre 2021 et 2026, 176,68 M$ auront été injectés dans le réseau collégial. Ici, au Cégep de Rimouski, il fut difficile pour notre équipe d’accéder aux sommes allouées chez nous et les différents services (ressources humaines, SQEP) ne pouvaient nous répondre. C’est finalement grâce à Pierre Avignon, conseiller politique de la FEC-CSQ, que nous avons pu obtenir les montants du PARES accordés à notre institution : 705 617 $, seulement pour l’année 2022-2023. Des montants approximativement similaires seront octroyés chaque année d’ici 2026.
Angles morts
Nous avons tenu à préciser dans l’introduction à nos fiches les angles morts du Plan du Ministère. Peu importe les pirouettes pédagogiques que nous ferons dans nos classes, si l’on ne s’attaque pas à certains facteurs structurels, on a beau continuer à jouer dans le petit carré de sable de la classe, ça ne fera pas grand effet.
Parmi les facteurs qui nuisent à l’apprentissage et dont les impacts sur la réussite seraient probablement encore plus grands que nos recommandations, on peut noter très sommairement les points suivants (tous développés en profondeur dans notre introduction) :
- L’importance qu’on accorde à la réussite au détriment de l’apprentissage ;
- La nouvelle gestion publique, qui tend à utiliser les résultats d’examens et le taux de diplomation comme une mesure de la qualité du travail enseignant ;
- Les conditions d’exercice de la profession enseignante ;
- Les facteurs socioéconomiques, car l’école tend à récompenser et à reproduire les inégalités sociales plutôt qu’à les combattre ;
- L’école à trois vitesses. Le système scolaire québécois est le plus inégalitaire au Canada et ces inégalités se sont aggravées depuis 2017.
Lors du CARD où elles ont été présentées, ces remarques ont été qualifiées d’« éditoriales ». Or, l’adhésion silencieuse à l’approche du Ministère constitue une prise de position tout aussi marquée.
Des pistes d’action
Les fiches présentées dans notre rapport sont des idées de pratiques et de mesures qu’un.e enseignant.e, un département ou que le cégep pourraient mettre en place afin de favoriser la réussite des étudiant.es. Appuyées par la recherche en psychologie et en éducation, elles sont généralement sommaires et se veulent des portes d’entrée à des réflexions plus poussées.
Certaines fiches portent sur des mesures de base, qui touchent l’infrastructure même qui soutient le travail enseignant. Une recommandation importante en ce sens est que l’organisation scolaire, dans sa confection des horaires, respecte les principes fondamentaux de la mémoire comme la réactivation après une période de repos (éviter qu’il y ait moins de 24 heures entre deux séances du même cours) et d’éviter la surcharge d’heures de cours durant une même journée. D’autres fiches portent sur la classe en plein air, la réduction du bruit et la diminution de la taille des groupes pour favoriser le lien affectif entre l’enseignant et l’élève.
Certaines fiches portent sur des mesures hors classe comme le mentorat, le tutorat par les pairs ou un projet-pilote afin de bonifier le volet « langue française » des RDÉA.
Puis, d’autres fiches visent des mesures concernant directement la pratique enseignante, comme l’enseignement de l’inhibition des automatismes, l’état d’esprit de croissance, la motivation intrinsèque, la pédagogie de première année, des méthodes d’évaluation constructives pour évaluer le français dans tous les cours et des pratiques pédagogiques guidant la planification de cours à l’extérieur, peu importe la discipline.
Suite des travaux : le plan de la réussite
C’est Jean-Nicholas Audet qui poursuivra les travaux du comité lors de la session d’hiver 2023. Le mandat pour lequel il a été élu par l’assemblée générale du SEECR est « de contribuer aux travaux entourant le plan de la réussite du Cégep, notamment en y intégrant les recommandations et propositions émises par le comité de travail sur la réussite des étudiants et étudiantes de première année, à l’issue de leurs travaux de l’automne. » Il faudra veiller au grain pour que ces travaux ne soient pas “tablettés” et pour que les sommes du PARES financent de nouvelles mesures, et non des mesures déjà existantes pour éponger la dette. Plus de transparence dans l’utilisation des fonds du PARES s’avérera crucial.
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Notes
1. Il s’agit plus précisément du taux de diplomation au collégial deux ans après la durée normale du programme.