Établir un rapport de force en pleine pandémie

Catherine Paradis, responsable des communications et de la mobilisation

Entre une rentrée chaotique et un reconfinement partiel, entre un cours, trois réunions sur Zoom et un test de COVID, entre les procédures sanitaires et le discours ambiant qui dit haut et fort que le gouvernement est en train de se ruiner avec cette crise-là, on ne sait plus comment aborder la négociation de notre convention collective. Notre mobilisation et notre rapport de force, que nous avions commencé à bâtir l’automne dernier, sont fragiles. Nos conditions de travail actuelles, en formation à distance/en mode hybride/en mode simultané/en-présence-avec-un-protocole-sanitaire-déroutant/à distance, sont plus difficiles que jamais. Et pourtant, l’avant-pandémie était difficile. Notre cahier de demandes syndicales en témoigne, et toutes nos demandes sont toujours pertinentes. 

Nous devons nous faire entendre et montrer au gouvernement que nous sommes toujours prêtes et prêts à nous battre pour obtenir une entente de principe à la hauteur des besoins et des objectifs identifiés collectivement. Mais comment?

Quelques jours avant la suspension des cours, le comité de mobilisation se remuait les méninges pour préparer une activité le 29 septembre, comme nous vous l’avons annoncé à l’assemblée générale du 8 septembre. La FEC-CSQ avait le projet de faire une tournée des cégeps membres de la fédération en caravane, la caravane Profs en négo, histoire de vous rencontrer, de recueillir quelques témoignages et de distribuer du matériel, notamment des couvre-visages Profs en négo. Nous voulions en profiter pour souligner le travail accompli par les profs de cégep depuis le début de la crise sanitaire, mais aussi pour mettre en évidence l’impact que les profs ont dans les classes et dans leur communauté, et ce, depuis plus de 50 ans. 

C’est d’ailleurs le thème de la Journée mondiale des enseignantes et des enseignants 2020, qui sera soulignée le 5 octobre : « Enseignant(e)s : leaders en temps de crise et façonneurs d’avenir ». En situation de crise et en « situation normale », aimerait-on ajouter. Les enseignantes et les enseignants font la différence en classe, dans la communauté et dans la société, tant par leur enseignement que par leur engagement au sein de divers organismes. À condition, bien sûr, d’avoir les ressources, le soutien et l’énergie pour le faire. 

Nous souhaitions aussi, bien sûr, dénoncer le cadre financier de la négo et revendiquer une nouvelle convention collective qui tienne compte de nos besoins et de notre réalité. Nous voulions rappeler, une fois de plus, que l’éducation et l’enseignement supérieur, ce n’est pas une dépense, c’est un investissement — particulièrement en région. Mais voilà, la pandémie nous empêche de tenir cette activité que nous aurions aimée rassembleuse et festive. Hugo Boulanger travaillait déjà sur une adaptation de Bleu Jeans Bleu, « Le King des cours en ligne ». Ce n’est que partie remise, espérons-le.

Qu’à cela ne tienne, nous avons tout de même interpellé la Direction du collège, dans une action concertée avec les autres syndicats de la FEC-CSQ, en espérant qu’elle interviendra auprès du ministère pour exiger un investissement durable dans l’enseignement supérieur. Vous avez reçu la lettre par courriel le 23 septembre.

Pour la suite, votre créatif comité de mobilisation se réunira sous peu pour élaborer un nouveau plan de mob pour le reste de l’automne, plan que nous vous proposerons en assemblée générale le 20 octobre. D’ici là, si vous avez des idées, écrivez-nous!

Il ne faudrait pas que la crise actuelle occulte la négociation de la convention collective. Nous étions au bout du rouleau bien avant la pandémie. Il faut que ça change et que le gouvernement reconnaisse enfin l’importance du personnel enseignant, tant en classe que dans la communauté, et qu’il investisse significativement dans l'enseignement supérieur.

 

POUR CELLES ET CEUX QUI SE JOIGNENT À NOUS

Eh oui! Nous sommes en négociation pour le renouvellement de notre convention collective, qui s’est terminée le 31 mars. Ces négociations ont officiellement commencé en octobre 2019 avec le dépôt des demandes syndicales, auquel la partie patronale a répondu en décembre. Avec la pandémie, le gouvernement a d’abord été très pressé de signer les nouvelles conventions collectives des quelque 450 000 employées et employés de l’État. En bref, la CSQ (qui négocie pour nous les matières dites intersectorielles, soit les salaires, les congés, la retraite, etc.) a décidé de suivre le rythme du gouvernement, alors que la FEC (qui négocie pour nous les matières sectorielles, c’est-à-dire tout ce qui concerne les conditions d’enseignement) a dit « non, il faut prendre le temps de négocier comme il faut » (je résume). La négociation sectorielle a donc été mise sur pause du 10 mars au 2 juin. Les rapports de table qui résument ces rencontres (3 et 10 mars, et 2 juin) vous ont été transmis le 9 juin, tout juste avant les vacances.

800 000 $ ?!

Six séances de négociation intersectorielle se sont tenues entre le 10 et le 26 juin. Mea culpa : nous ne vous avons pas envoyé les rapports de ces séances, justement parce que les rencontres ont eu lieu pendant les vacances, mais aussi parce qu’il n’y avait pas grand-chose à en dire. Une fois de plus, la partie patronale nous pressait de négocier et de passer à l’étape de priorisation des demandes. Le 2 juin, nous avions appris que (je cite le 10e rapport de table) « le règlement final envisagé ne devrait pas dépasser […] la famélique somme de 800 000 $ pour l’ensemble du corps enseignant de la FEC [et] que selon la proposition du Conseil du trésor (CT), à peine la moitié de cette somme pourrait constituer un investissement (le mot est sans doute trop fort ici) dit récurrent pour les 2e et 3e années de la durée de la convention proposée. » Évidemment, la partie patronale a jugé que nos demandes étaient trop nombreuses et trop onéreuses. On se souviendra pourtant combien il a été difficile pour nous de mettre de côté certaines demandes, en mai, puisque toutes devraient être acceptées pour que notre profession soit… eh bien, vivable.

Pendant les vacances

Après quelques « j’y vas-j’y vas pas » du côté de la partie patronale (10 et 12 juin), celle-ci a fini par nous présenter son cahier de demandes priorisé, c’est-à-dire légèrement élagué. Savez-vous ce qui a décidé nos vis-à-vis patronaux à bouger? Notre mobilisation. Communiqués de presse, lettres à la Direction, manifestations… Les rencontres des 17, 19 et 23 juin ont donc permis aux deux parties de terminer la présentation de leurs priorités respectives. Malheureusement, les discussions de fond ont été rares et les lieux de convergence, encore plus rares. Cette phase de négociation qualifiée de « soutenue et accélérée » a donc été pour le moins décevante. Vous connaissez la suite : les travaux ont été suspendus pour la période estivale le 26 juin, et une demande de médiation a été acheminée au ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Il s’agit d’une étape nécessaire pour avoir le droit de faire la grève, éventuellement — à partir du 7 octobre, plus précisément.

Pis là?

La reprise des négociations est lente, c’est le moins qu’on puisse dire. La partie patronale est en attente de nouvelles directives : il y a du mouvement au Conseil du Trésor, et la nouvelle ministre de l’Enseignement supérieur est un fantôme. La période de médiation, qui n’était qu’une formalité pour obtenir le droit de grève, s’est terminée le 1er septembre par le constat qu’il n’y avait pas d’entente. Les discussions peuvent donc reprendre, et si l’on ne se sent pas entendus, nous pourrons faire la grève. Mais quand? Au rythme où vont les choses, ça pourrait aller à l’hiver, voire au printemps. D’ici là, nous devons faire ce que, heureusement, nous faisons le mieux, en tant qu’enseignantes et enseignants : répéter. Répéter qu’on est là, qu’on se démène depuis mars pour continuer à un offrir un enseignement de qualité, pis qu’on est fatigués. Répéter que ça va prendre plus que des félicitations pis des remerciements. Ça va prendre des ressources à court terme. Et ça va en prendre à long terme. Pour la suite, quelle qu’elle soit.