Le 14 janvier dernier, le SEECR accueillait au café de la Cinquième Saison le conférencier Luc Bouchard de la CSQ, ainsi qu’une bonne quarantaine de membres intéressés par une réflexion collective sur les facteurs de risques psychosociaux dans notre milieu de travail. Monsieur Bouchard, un sympathique et attachant personnage, a pris soin de nous présenter la campagne publicitaire de la CSQ impliquant de spectaculaires perruques qui incarnent chacune un facteur de risques psychosociaux du travail.
En somme, cette campagne nous fait réaliser que la surcharge de travail, le manque d’autonomie, la faible reconnaissance, l’injustice au travail, le manque de soutien, le harcèlement psychologique et l’insécurité d’emploi ne sont pas que de simples impressions ressenties par plusieurs d’entre nous, mais qu’il s’agit de problèmes réels causés par l’organisation du travail. Les participantes et participants à la formation ont donc été conviés à discuter de chacun de ces thèmes en table ronde tout en donnant des exemples concrets afin de les partager et ainsi favoriser une réflexion commune.
Parce que c’était ça, le but de l’exercice. Réfléchir, reconnaître et prendre pleinement conscience des pratiques organisationnelles qui ont été mises en place progressivement, pernicieusement, et qui ont conduit bon nombre d’entre nous au bord du gouffre. On nous dit que nous devons nous épanouir et nous investir pleinement dans notre travail et que si nous n’y arrivons pas, c’est que nous sommes incapables, comme individus, de nous adapter. Or, c’est faux. C’est l’organisation du travail qui nous fait douter de nos compétences et nous rend malades. Exigences administratives et reddition de comptes toujours grandissantes, tâches d’enseignement trop lourdes, gestion de stages acrobatiques, efforts de recrutement et de promotion, pression de réussite et de rétention — tout cela dans un contexte de compressions budgétaires, de plan de redressement financier, de coupures de personnel, de compétition entre établissements d’enseignement… Voilà de quoi nous épuiser et nous mettre en mode survie, ce qui se solde bien souvent par un désengagement, voire un abandon de la profession. C’est ce que Patrick Lagacé appelle sans détour une « Gestion merdique des ressources humaines ».
Malheureusement, aussi sympathique fût-il, monsieur Bouchard ne nous a pas présenté de solution clé en main pour résoudre ces problèmes. En fait, c’est à nous d’y réfléchir. C’est à nous d’agir, collectivement, et de nous opposer à cette culture de performance où les méthodes de gestion LEAN, développées au sein des usines d’assemblage, sont systématiquement appliquées aux services sociaux tels que l’éducation et la santé. À ce sujet, nous vous invitons d’ailleurs à lire l’article de Pierre Henrichon paru dans Le Devoir en 2018, « La misère des “meilleures pratiques” en gestion ». C’est à nous de réfléchir sur ce qu’est un milieu de travail sain et aux moyens de mettre cet idéal en place. La négociation de notre convention collective, actuellement en cours, est l’un de ces espaces de réflexion et d’action. Une tâche enseignante plus réaliste et des conditions de travail plus humaines, une meilleure sécurité d’emploi, l’obligation pour les collèges d’adopter de véritables mesures de conciliation famille-travail, la reconnaissance de notre expertise disciplinaire et le respect de notre autonomie professionnelle, la prise en compte de l’impact du virage numérique sur la tâche… Ces revendications s’attaquent directement à l’organisation du travail qui doit changer, comme l’a rappelé Sonia Éthier, présidente de la CSQ, au ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur qui a déclaré, admiratif : « quand je vois un prof en épuisement, je me dis “il devait être bon, lui. Il a tout donné!” »
Il y a de la sensibilisation à faire, on dirait bien.