« Vous êtes toutes une gang de féministes, j’haïs les féministes. »

Catherine Paradis, responsable du dossier de la condition des femmes

Le 6 décembre 1989, peu après 16 h, Marc Lépine arrive à l’École polytechnique de Montréal armé d’une carabine et d’un couteau. La suite est tristement célèbre. Il entre dans une classe d’ingénierie mécanique. Il ordonne aux hommes et aux femmes de se séparer en deux groupes distincts de chaque côté de la salle. Croyant à une blague, personne ne bouge sur le moment, jusqu’à ce que Lépine tire un coup de feu au plafond. Il sépare alors les neuf femmes de la cinquantaine d’hommes présents et ordonne à ceux-ci de partir. Il demande ensuite aux femmes restantes si elles savent pourquoi elles sont là, et lorsque l’une d’elles répond « non », il réplique : « Je combats le féminisme. » L’étudiante Nathalie Provost répond : « Écoutez, nous sommes juste des femmes étudiant l’ingénierie, pas forcément des féministes prêtes à marcher dans les rues en criant que nous sommes contre les hommes, juste des étudiantes cherchant à mener une vie normale. » Ce à quoi Lépine rétorque : « Vous êtes des femmes, vous allez devenir des ingénieures. Vous êtes toutes une gang de féministes, j’haïs les féministes. » Il ouvre ensuite le feu sur les étudiantes de gauche à droite, en tue six et en blesse trois, dont Nathalie Provost. En tout, il tue quatorze femmes et blesse quatorze autres personnes (10 femmes et 4 hommes), avant de se suicider.

Commémorer… et agir

Chaque année, j’ai l’impression de réécrire le même article, de répéter les mêmes statistiques… C’est malheureusement nécessaire. La violence envers les femmes est toujours bien présente, et elle prend toutes sortes de formes. Elle est physique, psychologique, sexuelle, économique. Elle s’installe parfois insidieusement dans une relation amoureuse. Les femmes sont encore victimes de discrimination systémique, et certaines femmes sont encore plus vulnérables que d’autres. Pensons aux femmes autochtones, dont la disparition et le meurtre se produisent dans l’indifférence, aux femmes racisées, aux femmes handicapées, aux femmes travaillant dans l’industrie du sexe, aux femmes âgées... La bonne nouvelle, c’est qu’on parle davantage de la violence envers les femmes, qu’on la dénonce de plus en plus. Au cours de la dernière année, plusieurs femmes ont eu le courage de dire #moiaussi. On leur a répondu #onvouscroit, mais on observe que les efforts pour blâmer et discréditer les victimes sont vigoureux, voire violents, et que certains victimisent même les agresseurs. On a également vu apparaitre le mouvement #toiaussi, qui rappelle que tout le monde a un rôle à jouer dans la prévention et la lutte des agressions à caractère sexuel et, plus largement, de la violence envers les femmes.

12 jours d’action contre la violence envers les femmes

C’est pourquoi le Comité d’action contre la violence envers les femmes, encore cette année, vous propose différentes activités de commémoration et de sensibilisation. Ce comité ponctuel est formé d’étudiantes et d’un étudiant en Techniques de travail social, de représentantes d’organismes venant en aide aux femmes et de votre humble responsable du dossier de la condition des femmes. Vous avez peut-être vu les capsules sur les agressions sexuelles ou sur la violence conjugale diffusées sur Omnivox dans le cadre des 12 jours d’action. Le jeudi 6 décembre, vous serez invités à porter le ruban blanc pour commémorer les quatorze victimes de Polytechnique. Des stations à l’entrée principale, à la bibliothèque et à la cafétéria présenteront de l’information, les ressources disponibles à Rimouski ainsi qu’une petite exposition. Enfin, à 11 h 30, à la cafétéria, des étudiantes honoreront la mémoire de femmes victimes de violence.

Les 352 autres jours

Évidemment, la lutte contre la violence faite aux femmes ne se limite pas à ces douze journées et au 8 mars. Que pouvons-nous faire? Voici quelques suggestions :

  • Parlez : Quelle que soit la forme de violence, il faut en parler. La peur, la honte ou la gêne peuvent maintenir les femmes et les filles victimes de violence dans l’isolement. Il est important de briser le mur du silence, de se confier et d’aller chercher de l’aide. Cela s’applique aux victimes, aux conjoints violents ou aux agresseurs ainsi qu’aux témoins. D’ailleurs, si vous êtes témoin d’une manifestation de violence, intervenez en vous adressant à la victime : demandez-lui si ça va et si elle a besoin d’aide. Si vous pensez que sa sécurité est menacée, appelez la police.
  • Écoutez : Si une femme victime de violence se confie à vous, écoutez-la sans juger, avec empathie et discrétion, en respectant son rythme, et ce, dans la mesure de vos capacités. Orientez-la vers une ressource spécialisée comme le CALACS, la Débrouille, le Centre-Femmes. L’organisme C-TA-C, quant à lui, intervient auprès des hommes qui vivent des difficultés dans leurs relations parce qu’ils utilisent des comportements inadéquats, impulsifs, contrôlants ou violents.
  • Dénoncez et sensibilisez : Réagissez au sexisme ordinaire. Ne rien dire, c’est cautionner. Outillez-vous pour être capable de déconstruire les mythes. Le Manuel de résistance féministe de Marie-Eve Surprenant (Les Éditions du remue-ménage, 2015) pourra vous y aider.

          Ne doutez jamais qu’un petit nombre de citoyens [et de citoyennes] volontaires et réfléchis peut changer le monde; en fait, cela se passe toujours ainsi.

Margaret Mead (1901-1978), anthropologue

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Note

  1. Wikipédia, « Tuerie de l’École polytechnique de Montréal », [En ligne]. Adresse URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Tuerie_de_l%27%C3%89cole_polytechnique_de_Montr%C3%A9al, page consultée le 29 novembre 2018.