Je l’avoue d’entrée de jeu, je n’ai pas assisté à l’ensemble de la rencontre «employeur/employé.e.s» convoquée par le Directeur général (DG) le jeudi 19 mai dernier. À la fois assommé par une présentation qui ne ciblait que des éléments extérieurs pour expliquer le déficit du cégep et complètement soufflé par la prise de parole d’un membre du Conseil d’administration (CA), qui proposait d’utiliser le 2% d’augmentation salariale obtenu par le personnel lors des dernières négociations pour renflouer la dette, j’ai choisi de quitter avant de trop m’enflammer. Vous savez, à mon âge, les grandes émotions… J’en avais déjà suffisamment entendu de toute façon.
Une tempête parfaite
La première heure de cette rencontre a donc été consacrée à faire la démonstration des événements qui ont contribué au déficit du collège. L’illustration de la tempête parfaite. Les trois éléments extérieurs problématiques ? La baisse de l’effectif étudiant (400 jeunes), les changements dans le financement des cégeps (FABRES) et la COVID. Rien d’autre. Aucune analyse critique de certains choix gestionnaires ou de certains investissements faits par la Direction. Rien.
Pourtant le FABRES est plus généreux qu’auparavant, les frais COVID ont été en partie assumés par le gouvernement et la baisse de l’effectif étudiant s’est faite graduellement. On pouvait voir venir. Est-ce que le problème pourrait se situer ailleurs alors ?
Il me semble que le collège aurait dû aller un peu plus loin dans son analyse. À ce titre, on pourrait dans un premier temps tenter d’expliquer les raisons de cette baisse de l’effectif étudiant. Est-ce qu’il y aurait des choses qu’on ne fait pas correctement ? Des investissements en information et promotion que nous pourrions reconsidérer ? Je crois que la question est nécessaire.
Au sujet de la COVID, le gouvernement a mis en place diverses annexes de financement pour soutenir les collèges. Les coûts n’ont pas été complètement couverts, mais c’est la réalité à laquelle a dû faire face l’ensemble des cégeps. Aurions-nous des choses à analyser de ce côté ?
Et comme le FABRES est plus généreux qu’auparavant, se pourrait-il alors qu’on ait fait de mauvais choix de gestion ? De mauvais investissements compte tenu du financement que nous avions ? Nous n’avons abordé aucune de ces questions lors de cette rencontre.
Nous n’avons même pas su pourquoi il était si urgent de renflouer la dette. Est-ce que le Ministère de l’enseignement supérieur s’attend réellement à ce que le Collège le fasse aussi rapidement ?
Perdre son âme
Plusieurs personnes ont parlé de perte de confiance envers la Direction lors de cette soirée du 19 mai. De perte de sens. Que le Cégep avait perdu son âme. La force et la vie d’une organisation comme le Cégep de Rimouski repose essentiellement sur le bien-être et la contribution du personnel. Le vivant. La proximité. L’appartenance. Que s’est-il donc passé pour en arriver là ?
Pour que l’analyse de la situation soit complète, il me semble qu’il aurait été primordial d’examiner les conséquences de certaines décisions prises par la Direction au cours des dernières années. Par exemple, comment justifier l’investissement de plus de 800 000$ dans un centre d’entraînement réservé à une centaine d’élèves en pleine période de déficit ? Ou encore, pourquoi ne pas évaluer l’impact de la privatisation de certains services, et les coûts associés à ces choix ?
Comme ce fut le cas avec le système Omnivox et les frais payés à répétition à la compagnie Skytech, qui ne se prive pas pour facturer. Nous avions développé une expertise en système de gestion au Cégep de Rimouski. C’est maintenant entre les mains du privé.
Que dire de l’arrivée d’Ali, le robot bienveillant? 250 000$ d’investissement. Quels en sont les réels impacts positifs ? Que reste-t-il en retombées pour la collectivité ?
Et toutes ces firmes de consultants externes qui se pointent régulièrement au Collège…
Consultants pour implanter Microsoft, consultants en relations de travail ou encore la venue dans le décors de l’entreprise Collecto, cette étrange créature gravitant dans le giron de la Fédération des cégeps, qui offre des services d’analyse et d’optimisation du climat de travail. Combien coûtent ces différents appels à des ressources extérieures ? Et ici encore, nous ne développons aucune expertise. Nous sommes esclaves de ces «experts-conseils» qui se feront un plaisir de revenir régulièrement s’abreuver à la source de notre financement, insensibles à l’histoire du cégep, à la culture de l’organisation, au vivre-ensemble.
Ce sont des questions qu’il serait nécessaire de soulever, si l’on veut véritablement analyser les difficultés financières du Cégep de Rimouski et la perte de confiance soulignée par bien des personnes le 19 mai dernier.
Prendre le temps de bien faire les choses
Le jeudi 19 mai dernier, nous avons assisté à un exercice fort inquiétant. Cette rencontre était d’abord présentée comme une séance d’information. Puis elle s’est transformée en un simulacre de consultation. Nous étions invité.e.s, séance tenante, à prendre position individuellement en faveur ou en défaveur d’une des propositions soumises à notre attention. Et je le rappelle, derrière des portes fermées, sans les étudiantes et les étudiants, sans observatrices et observateurs externes, parce que le sujet était trop sensible.
Pourtant, dès le lendemain, le vendredi 20 mai, les médias rimouskois étalaient au grand jour les possibles orientations de la Direction. On parlait même de lancer ce fameux projet de nouvelles résidences réalisées avec des partenaires privés. Aucun mot par contre sur la façon de financer ce grand chantier et surtout aucune explication pouvant illustrer comment cette nouvelle aventure immobilière allait permettre de renflouer les coffres du Cégep.
Connaissant le privé, ils n’entreront pas dans la danse si n’est pas rentable pour eux. Et dans les partenariats public-privé, l’Histoire récente nous a enseigné que généralement, le public investi et le privé récolte… Est-ce vraiment cela que nous souhaitons au Cégep de Rimouski ?
Ce même vendredi 20 mai, en toute fin de journée, nous apprenions que nous n’avions plus que trois jours pour réagir par écrit aux différentes propositions. Trois jours pour prendre position sur l’avenir du Cégep. Trois jours…
Depuis, la Direction a prolongé le délai de consultation jusqu’au 3 juin. Mais sans informations supplémentaires. L’analyse étant toujours la même. Les propositions également. Je ne suis pas certain que c’est la meilleure façon de faire les choses, ni de véritablement créer un lien de confiance avec la communauté collégiale.
Et à la lumière de tous ces éléments, est-ce que le Conseil d’administration du Cégep de Rimouski a vraiment en main tout ce qu’il faut pour véritablement et de manière éclairée prendre la meilleure des décisions ? Permettez-moi d’en douter.