Rétroactivité, forfaitaires - une chronique à lire en fredonnant «Money», de Pink Floyd

Marie-Josée Boudreau, responsable de la coordination et des pratiques syndicales passionnée de taux d’intérêt, de valeur actuarielle et de congés bien mérités

«Money ? Get away. / You get a job with more pay / And you’re okay1», Roger Waters.

 

Les lignes qui suivent sont écrites sans la moindre prétention : je ne suis ni conseillère financière, ni comptable, ni riche. D’ailleurs, pour de véritables conseils adaptés à votre situation, faites appel à un professionnel (du domaine, bien entendu, pas à un conseiller pédagogique ou à une analyste en cheminement scolaire !). 

 

Je vous offre mes réflexions sur la question parce que, quand j’ai su qu’en 2022, nous allions voir nos salaires augmenter, mais aussi recevoir nos forfaitaires et notre rétroactivité, je me suis demandé quelle était la meilleure façon de ne pas voir disparaître bêtement ces sommes vers les coffres de l’état (d’où elles sont issues, rappelons-le). 

 

Le fait est qu’augmenter substantiellement et provisoirement son revenu a des conséquences certaines. Vous l’avez certainement constaté en prenant connaissance de votre rétroactivité le 10 février : pour plusieurs, il restait bien peu de choses lorsque la somme due fut amputée de toutes les déductions à appliquer. Une partie de cet argent retournera dans vos poches au printemps 2023 lors de la saison des impôts (quand l’État constatera qu’il faut vous appliquer le bon taux d’imposition), mais la situation reste un peu déprimante. Sans compter que votre salaire de 2022 deviendra la référence pour le calcul de vos allocations familiales, de votre pension alimentaire ou de plusieurs aides et crédits auxquels vous avez droit2.

 

Que faire, pour contrer cet effet ? REER, REEE, CELI et tutti quanti ? Que nenni ! Je vous propose plutôt ici deux avenues à explorer issues de notre convention collective et de notre fonds de retraite pour pouvoir mieux profiter de cette manne tant espérée. 

Première avenue : profiter de cette hausse de revenus pour vous offrir un PVRTT ou un congé… et diminuer votre revenu. 

Le 1er avril 2022, votre salaire sera 6,1 % plus élevé que celui que vous aviez il y a peu de temps, et ce, sans compter vos futurs changements d’échelon pour ceux et celles qui ne sont pas à leur échelon maximum. Concrètement, cela signifie que diminuer votre revenu volontairement aura moins d’impact sur votre budget qu’en temps normal. Il faut par contre vérifier si vous êtes éligible à ces congés.

 

  1. OCCASION DE SOUFFLER UN PEU- LE PROGRAMME VOLONTAIRE DE RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL. 

Vous n’avez jamais pris un PVRTT parce que la perspective de voir votre salaire amputé vous refroidit ? En 2022, un enseignant ayant reçu ses deux forfaitaires, sa rétroactivité complète et son augmentation salariale gagnera davantage qu’en 2021 en prenant un PVRTT à 80 % à l’automne 2022. Oui, il aura gagné davantage. Un exemple concret ? Mme B., qui est à l’échelon 17, a gagné 86 613 $ en 2021. Avec une diminution de tâche de 20 % à l’automne 2022, en incluant forfaitaires et rétroactivité, elle aura gagné 89 000 $ en 2022…C’est une occasion idéale d’oser l’essayer si vous n’avez jamais osé le faire. Par contre, il ne faut pas oublier que ce PVRTT aura un effet sur votre revenu lors de vos vacances à l’été 2023.

 

  1. OCCASION DE RÊVER GRAND - LE CONGÉ ANTICIPÉ OU DIFFÉRÉ. 

Vous avez envie depuis longtemps de prendre un trimestre ou une année de congé ? Les gens qui me connaissent savent à quel point je vante ce programme puisqu’il a des avantages auquel nul autre ne se compare, puisque vous ne cotisez au RRGOP que sur le salaire reçu sans conséquences sur votre retraite (votre revenu considéré est celui à 100 %)3. C’est ce qui fait que, concrètement, le salaire net de la personne sur un plan sabbatique à 83,33 % (un trimestre de congé payé sur 3 ans) est plus élevé qu’une personne ayant un PVRTT et travaillant à 85 %.

 

Deuxième avenue : diminuer votre revenu imposable. 

Pour tenter de recevoir votre dû lorsque vous ferez votre rapport d’impôt au printemps 2023, vous pouvez prendre différentes mesures pour abaisser votre revenu imposable. Si le REER et ses possibilités est bien connu, il faut avouer qu’il n’est pas nécessairement une option avantageuse si votre taux d’imposition est le même à la retraite que maintenant. Une autre option plus avantageuse existe pour plusieurs d’entre nous - et nous l’oublions souvent.

 

CHAMPION TOUTE CATÉGORIE QU’ON OUBLIE TROP SOUVENT - LE RACHAT DE COTISATIONS. Vous avez eu des périodes d’absence depuis le début de votre carrière (congé parental, congé de perfectionnement ou autres) ? L’option la plus avantageuse de toutes est le rachat du RREGOP pour cette ou ces périodes. C’est par contre une solution qui vous demande d’avoir les reins assez solides - il vous faudra sortir plusieurs milliers de dollars de votre bourse et votre remboursement d’impôt peut sembler bien loin. Par contre, si vous avez des sous, cela vaut généralement la peine. Comment faire ? Il suffit d’en faire la demande à la CARRA qui vous fera une offre… que vous pourrez refuser si elle ne vous convient pas. Attention : le coût varie selon votre âge et la nature de l’absence. Si vous décidez d’aller de l’avant, les sous investis dans ce rachat sont déduits de votre revenu imposable. J’en profite pour préciser de ne pas oublier d’indiquer votre RREGOP sur votre testament. Si votre décès survenait avant votre retraite, ce sera probablement la plus grosse somme que vous lèguerez à votre conjoint.e ou à vos enfants (valeur actuarielle de vos cotisations).

 

Voilà. 

J’ai osé vous parler d’argent. 

Pour ma part, je songe à racheter le congé parental que j’ai pris en prolongation de mon congé de maternité il y a 15 ans avec les sous que j’ai mis de côté pendant la pandémie. Je prendrai ma décision en recevant l’offre de la CARRA. Comme l’offre risque de tourner autour de 7000 / 8000 $, si j’en crois le calculateur disponible sur le site du gouvernement du Québec, je verrai bien si je l’accepte ou si je m’écrie d’un air outré : «OFFRE RE-FU-SÉE».

 

Mais il s’agit de votre argent. Vous avez le droit de choisir ce qui vous fait plaisir : 1000 cafés, 2 billets d’avion, 80 nappes ou trois batteurs sur socle version de luxe. Personne ne va vous juger. 

 

Après tout, vous l’avez durement gagné.

 

«Money / So they say / Is the root of all evil today». toujours Roger Waters, qui écrit généralement ses tounes au complet.

_______________

Notes

1.Oui, maintenant vous l’avez dans la tête. Ne me remerciez pas.

2. Il y a tellement de nuances à appliquer ici - il existe entre autres un bouclier fiscal au provincial pour éviter que ce nouveau revenu ne soit considéré pour le remboursement de vos frais de garde. Mais vous comprenez l’idée, n’est-ce pas ?

3. Alors que pour le PVRTT, vous devez payer la cotisation sur votre plein salaire, même si vous ne recevez qu’une portion de votre revenu brut.