Coups de cœur du comité féministe

Élise Côté-Levesque, enseignante en français,
Caroline Laberge, enseignante en cinéma
Gabrielle Thibeault-Brisson, enseignante en philosophie

Le comité féministe du SEECR vous fait trois propositions culturelles qui mettent en lumière des femmes engagées. Élise vous glisse quelques mots sur l’essai Pompières et pyromanes de Martine Delvaux, Caroline vous parle du travail de la journaliste Jane Marie dans son balado intitulé The Dream et Gabrielle vous fait découvrir la rappeuse féministe Calamine. Bonne lecture ! 

 


 

Pompières et pyromanes, Martine Delvaux (Héliotrope, 2021)

Dans cet essai sous forme de fragments, Martine Delvaux cherche à rejoindre sa fille de dix-huit ans, à qui elle s’adresse directement, et à comprendre le monde que nous léguons, collectivement, aux plus jeunes de même qu’aux générations encore à venir. C’est le feu et les images qui lui sont associées qui unissent les différents fragments (textes brefs que l’autrice ne lie pas les uns aux autres) : feu dévastateur, feu purificateur, feu de la colère, de la passion, mouches à feu, feu protecteur… C’est par le biais de ces images, généralement incarnées par des œuvres, des événements, des personnes, que Delvaux examine notre relation à l’environnement, à la catastrophe climatique. C'est de la même manière que sont esquissés des liens entre la relation de domination établie entre l’homme et la nature, et celle que les hommes (en tant que groupe social) entretiennent avec les femmes.

 

Bien que cet essai nous fasse découvrir différentes histoires d’immolation et autres suicides, bien qu’il mette de l’avant l’angoisse profonde des jeunes et qu'il puisse, pour ces raisons, paraître très sombre, Martine Delvaux préserve aussi une part de lumière, incarnée par exemple par Greta Thunberg ou encore par le combat des suffragettes. Et si Pompières et pyromanes témoigne encore une fois de la grande érudition de Martine Delvaux, il ne faudrait surtout pas y voir un obstacle : ce texte d'une grande humanité demeure très accessible et se pose comme moteur de réflexion puissant. À lire comme une lente méditation qui saura nourrir votre réflexion sur l'environnement, le féminisme et la jeunesse.

 


  

The Dream par Jane Marie - Balado (en anglais seulement)

Tout d’abord, je m'excuse de vous faire une recommandation culturelle anglophone, mais j’ai tenu à vous partager ma découverte parce que ce balado est fascinant (entendez la verve de Charles Teysseres ici). 

The Dream parle de multi-level marketing (MLM) ou en français, de vente multiniveau, un concept qui flirte avec la vente pyramidale, mais qui n’en est pas selon la loi. 

 

La journaliste Jane Marie connaît le sujet de près : ayant grandi dans un milieu modeste aux États-Unis, la plupart des femmes de son entourage ont fait de la vente multiniveau à un moment ou à un autre de leur vie, elles désiraient simplement gagner une certaine autonomie financière tout en restant mère au foyer. Ces entreprises voient en ces femmes une opportunité d'affaires très rentable, bien qu’à la limite de la légalité. D’ailleurs, les MLM connaissent une recrudescence depuis quelques années : Avon, Mary Kay, Monat, Melaleuca, Herbalife, LuLaRoe, DoTerra, Tupperware, NuSkin, Younique, etc. 

 

Ces MLM vendent aux femmes cette idée de l’empowerment : vous gagnerez de l’argent facilement, vous pourrez gérer votre entreprise à votre rythme, à la maison et surtout, vous pourrez élever vos enfants à plein temps. On vous propose aussi d’appartenir à une communauté étroite de femmes fortes, comme vous, qui se serrent les coudes et qui s’entraident. Bien sûr, ce qu’on ne vous dit pas, c’est que la vraie manière de gagner sa croûte dans une telle entreprise, ce n’est pas simplement en vendant une paire de leggings cheap dans une story Instagram, mais bien en recrutant des femmes qui vendront, elles aussi, des leggings cheap sur Instagram : c’est à elles que vous siphonnerez l’argent. 

 

Ce balado a tout pour me plaire, la journaliste y dénonce le capitalisme sauvage, l'exploitation des femmes, le gaslighting, les inégalités sociales, la foi chrétienne qui justifie tout, le rêve américain, l’aspect sectaire de ces entreprises, etc. Jane Marie nous plonge au cœur de cette Amérique malade sans filet social ni système de santé universel où l’on détruit des femmes en leur faisant miroiter un rêve factice. 

 

Pour aller plus loin, la saison 2 du balado The Dream se penche sur le marketing du bien-être où ces influenceurs, coach de vie et autres gourous pseudos spécialistes de la santé vendent aux femmes, et à prix d’or, des solutions pour qu'elles se sentent mieux. Si elles se sentent bien dans leur corps et dans leur âme, ne seront-elles pas de meilleures épouses et de meilleures mères ? N’est-ce pas ce que l’on veut comme femme ? Faire du yoga chaud et s’acheter des petits pots de crème hors de prix pour bâtir un monde meilleur pour nos enfants (tout en restant jeune, évidemment) ? 

 


 

Boulette Proof, Calamine (2020)

Attention! Comme il est maintenant coutume de prévenir les gens avant de leur faire lire des choses qui pourraient les choquer, nous vous prévenons, avec un brin d’humour, que certains termes, d’«intersectionnel» en passant par «fesse» jusqu’à «salope», seront présents dans ce coup de cœur culturel. Collègues, vous êtes avertis!

Calamine fait partie des trop rares rappeuses québécoises. Elle lance son premier album, Boulette Proof, en 2020. Elle est la Révélation Radio-Canada 2021-2022. Sa musique, sa voix et ses textes sont d’une douceur et d’une légèreté irrévérencieuses. 

 

« Ça fait boule de neige, non-binaire et intersectionnel

T'as jamais vu ces jolis mots-là avant cette semaine

Assis sur ton divan sectionnel, avec ton bol de Lay's1 »

 

Elle contribue, de manière étrangement réconfortante, à briser ce qu’elle identifie elle-même comme le « boys club » du rap québécois.

 

« Toujours la même salade, moins d'madames

À moins qu'ça l'aille, le même goût ben salace

Fesses à l'air à se faire crier tiens salope

Pour même pas le même salaire

Donnez-moi du Sativa

Où sont les femmes? Mais c'est fatigant!

Y'en a genre autant qu'au Vatican

Yo c'est tu moi qui fais la diva2? »

 

C’est par l’intime, le quotidien d’Hochelaga, que ses paroles revendiquent une plus grande justice sociale. Anticapitalisme, féminisme, identité de genre, consentement, port du poil, Calamine porte notre regard aux confins de nos normes et en redéfinit les contours. 

 

« Sur la poudre ou sur le Sauvignon

De la bibli jusqu'au Folichon

Si à l'a dit non, à l'a dit non

Pas catho comme Whoopi, plus poilue que Youpi

D'in gala j'mets des T's pis au parlement c'est le hoodie3 »

 

C’est une artiste que nous recommandons d’écouter avec le sourire aux lèvres dans tous les moments du quotidien, le matin entre la garderie des enfants et le cours de 8h10 ou avec les amis le samedi soir (eh oui, c’est de nouveau possible. Yeah!).

 

N’hésitez pas à nous faire part de vos suggestions si le coeur vous en dit !

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Notes

1. Calamine. (2020). « Dans l’boute du stade », sur Boulette proof [Album], Charivari Records. https://calaminemtl.bandcamp.com/track/dans-le-bout-e-du-stade

2.  Calamine. (2020) « Mona Lise », sur Boulette proof [Album], Charivari Records. https://calaminemtl.bandcamp.com/track/mona-lise 

3. Calamine. (2020). « Mona Lise », sur Boulette proof [Album], Charivari Records.  https://calaminemtl.bandcamp.com/track/mona-lise