Un bulldozer nommé Roberge

Éric Avon, enseignant de Techniques administratives

Imaginez que vos étudiantes et vos étudiants ont un travail de recherche et d’analyse à faire et, lorsqu’ils vous le remettent, vous notez que le travail a été bâclé, fait à la presse et qu’il est bourré de raccourcis.

Voilà comment le corps professoral des techniques administratives à travers le Québec se sent présentement devant l’analyse de la profession et le constat du Comité national des programmes d’études professionnelles et techniques (CNPEPT) 1 concernant les programmes de Comptabilité et gestion, Gestion de commerces et Bureautique.

Une façon de faire cavalière

En octobre 2018, une communication indiquait que le Ministère cherchait des professeurs pour intégrer le comité de refonte du programme Comptabilité et gestion a été envoyée. À ce moment, il n’était question que de ce programme. En mai 2019, notre direction nous mentionnait que les travaux avançaient et que le Ministère avait l’intention de fusionner les deux programmes actuels, Comptabilité et gestion et Gestion de commerce, en intégrant des compétences du programme Bureautique (fermé ici en 2017). En toute naïveté, nous étions convaincus que le Ministère allait continuer les travaux afin d’approfondir son analyse de l’impact des changements annoncés.

À la rentrée 2019, on nous annonce que le Ministère est déjà rendu au point d’annoncer ses orientations et qu’il prévoit plutôt fermer les trois programmes pour finalement en rouvrir un seul appelé provisoirement Techniques de l’administration. Les analyses de profession sont basées surtout sur les employés du Ministère qui y travaillent comme adjoint administratif, alors que ces trois programmes ouvrent les portes à un éventail de postes dans des milieux de travail extrêmement variés. Aucune analyse dans le cas de Gestion de commerce, qui semble avoir été balayé du revers de la main dès le départ, la conclusion étant que ce programme devrait être offert en formation continue. Rappelons-le, en octobre 2018, rien n’a été mentionné en lien avec ce programme.

Les prétextes pour justifier cette façon faire sont ceux-ci : le Ministère veut que les refontes de programmes se fassent en 18 mois, et surtout un tel programme répondrait mieux au marché du travail, selon lui. Cela dit, dans le document d’orientation, il est mentionné qu’il y a déjà eu un projet pilote appelé Techniques de l’administration et que ce projet n’a pas connu le succès escompté. 

Des questions  

Les questions qui préoccupent présentement plusieurs professeurs sont celles-ci. Pourquoi le Ministère remet-il en question les programmes qui se donnent dans le plus grand nombre de cégeps et qui sont pourtant populaires auprès d’un grand nombre d’étudiantes et d’étudiants, dans toutes les régions? Lorsqu’on parle avec des confrères et consœurs de Sciences de la nature, de Sciences humaines, des techniques d’Éducation spécialisée et de Travail social, et des techniques de la mécanique, on comprend que cette façon de faire cavalière est universelle. Pourquoi tout se fait-il sans communication et surtout pourquoi continuer ce processus alors que plusieurs parties prenantes sont en désaccord avec les analyses et la façon de faire?

Plusieurs conseils d’administration de cégeps, commissions des études, départements de l’administration et syndicats ont exigé du Ministère un moratoire afin de revenir sur des bases d’analyse plus solides est surtout plus complètes. Présentement, la seule chose qui a changé, c’est la date butoir qui passe du mois de décembre 2019 au mois de mai ou décembre 2020. Nous serons donc à l’affût des prochaines interventions dans ce dossier qui risque d’être chaud, et tout ça en même temps que notre négociation collective. Quand on dit que tout est dans tout....

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Note

  1. Rappelons que le CNPEPT a été créé par le ministère de l’Éducation en 1994 en vue d’améliorer l’accessibilité, l’efficacité et la qualité de l’offre de formation. À cet égard, trois orientations ont été retenues pour le développement de la formation professionnelle et technique : 1) harmoniser les programmes des deux réseaux d’enseignement, 2) améliorer l’accès aux services d’enseignement professionnel et technique et 3) accentuer la collaboration et les liens formels avec les partenaires socio-économiques, aux niveaux local, régional et central. (http://www.education.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/dpse/formation_professionnelle/Elaboration_des_programmes_Harmonisation.pdf