Les algorithmes et les applications logicielles sont de plus en plus présents dans nos vies. On dit que ces outils contribuent à une automatisation du traitement de données susceptible de faciliter la vie des gestionnaires et de les rendre plus efficaces. Mais cette efficacité relative se conjugue-t-elle bien avec la qualité de vie au travail des profs?
Les logiciels vs les humains
Depuis l’an dernier, quelques vieux amis, profs au cégep, m’ont exprimé des doléances quant au résultat de l’automatisation de la création de leur horaire de cours. Comme un logiciel ne réfléchit pas, il ne se questionne pas à savoir s’il est normal qu’un prof ait 60 % de sa tâche de 15 heures de cours du jeudi 8 h au vendredi 15 h. Si les blocs de cours s’insèrent bien dans la matrice horaire programmée, ils y sont insérés. C’est tout. Or, cette automatisation semble peu compatible avec la qualité de vie au travail des profs qui doivent se plier à ces contraintes d’horaire et cela nuit à leurs bonnes dispositions pédagogiques.
Chez nous, à l’Institut maritime du Québec (IMQ), la personne responsable de la confection des horaires consulte SYSTÉMATIQUEMENT nos coordonnateurs de département afin de trouver le meilleur scénario tenant compte des contraintes exprimées. Un être humain identifiable se préoccupe de l’incidence de ses décisions sur la qualité de vie au travail des professeurs de son école.
La technologisation de la tâche enseignante
Et quant à la technopédagogie, écoute, consultation, réponse aux besoins des profs1 et TIC (technologies de l’information et de la communication) vont-elles généralement de pair au Collège de Rimouski? Dit autrement, est-ce la technologie qui s’ajuste aux besoins des profs ou bien la réalité des profs qui s’ajuste à la technologie? Si l’on considère la question du gain d’efficacité lié à l’informatisation de nombreuses facettes de notre travail de prof, ne peut-on pas envisager le fait que notre tâche s’alourdit lentement et sûrement, que cette efficacité est toute relative et que le temps consacré à des questions techniques est souvent du temps de moins pour nourrir notre réflexion professionnelle et nos relations profs-élèves? Si vous allez faire un tour du côté du journal Le Devoir du 21 septembre 2019, on y trouve un Devoir de philo qui porte sur ces questions et dont la portée des propos peut s’étendre à plusieurs facettes de notre vie technologiquement effrénée.
Quoi qu’il en soit, au Collège de Rimouski, un buffet technopédagogique trop garni nous est servi. Quand je parle de buffet, je fais référence à la cohabitation quasi inévitable des produits Google (utilisés à ce jour par une infime minorité des établissements d’éducation supérieure du Québec et du Canada) avec les produits Microsoft (utilisés par l’écrasante majorité de ces mêmes établissements).
Dans le cas du collège, ce buffet a entre autres pour conséquence de multiplier les formations nécessaires afin de bien utiliser les différents outils qui le composent. Outre le fait que tout cela technologise toujours plus la tâche enseignante et puisse nous éloigner subtilement de dimensions plus fondamentales de notre travail, cela alourdit considérablement notre tâche.
Le numérique et la négo
Comme profs, nous avons toutes et tous chaque jour davantage l’impression de manquer de temps pour exercer notre métier d’une façon satisfaisante. À ce titre, l’un des thèmes de la négociation de notre convention collective traite de cet enjeu et s’intitule justement « Pour un virage numérique au service de la formation collégiale (et non l’inverse) ». Il faudra bien que les effets induits par la gestion des nouveaux moyens de communication et des multiples plateformes numériques d’enseignement soient reconnus dans la tâche, par exemple en ajoutant des ressources au volet 1 de la tâche.
Un autre objectif de ce thème est d’obtenir un soutien pour les enseignantes et enseignants souhaitant inclure les technologies dans leurs pratiques pédagogiques individuelles, par exemple en ajoutant de nouvelles ressources au volet 2 de la tâche pour offrir des libérations aux enseignantes et enseignants intéressés, mais également en s’assurant de maintenir l’entière autonomie décisionnelle des collègues de la discipline et du département en cette matière.
Bien sûr, ce sont de nobles objectifs pour autant qu’on ne perde pas de vue en quoi consiste plus fondamentalement le métier d'enseignante et d’enseignant.
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Note
- Cela affecte aussi les étudiantes et les étudiants. Depuis avril dernier, il m’est arrivé deux fois d’avoir des conversations avec des élèves de l’IMQ à propos du choix de la messagerie Gmail. Ces élèves m’ont simplement demandé pourquoi l’IMQ était dans cet environnement alors que les offres d’emploi auxquelles ils se destinent exigent plutôt une excellente maîtrise de la messagerie Outlook de Microsoft. Ils se plaignaient de devoir utiliser une messagerie qui avait peu à voir avec leur future réalité professionnelle alors qu’ils pourraient déjà développer la maîtrise d’une messagerie qui est le choix de la grande majorité des employeurs de leur secteur professionnel. Incohérence et alourdissement évitable du travail de ces élèves? C’est en tout cas ce qu’ils en concluent.