Célébrée chaque année le 5 octobre depuis 1994, la Journée mondiale des enseignant(e)s (JME) est organisée en partenariat avec l’UNICEF, le Programme des Nations unies pour le développement, l’Organisation internationale du travail et l’Internationale de l’éducation.
En 2019, la JME mettra à l’honneur les enseignantes et les enseignants sur le thème « Les jeunes enseignant(e)s : l’avenir de la profession ». La journée est l’occasion de célébrer la profession enseignante à travers le monde, de faire le bilan des progrès accomplis, et de se pencher sur des questions centrales pour attirer et retenir les esprits les plus brillants et les jeunes talents dans la profession.
On ne peut pas ne pas être d’accord. Mais comment attirer et retenir ces jeunes au sein d’une profession qui a été aussi négligée et malmenée par nos gouvernements dans les dernières décennies?
Le Québec connaît une pénurie d’enseignants majeure, particulièrement dans les écoles primaires et secondaires, et ce n’est pas étonnant. Or, cette difficulté de recrutement et de rétention est également bien visible dans plusieurs secteurs de la formation collégiale. Les profs de cégep ont beau avoir la réputation d’être « gras dur », les collèges peinent à attirer et à retenir des enseignantes et des enseignants dans la plupart des programmes techniques. Mais pourquoi?
La profession enseignante : sinécure ou job de fou?
Il y a un monde entre ce que les gens perçoivent de l’enseignement au collégial (le prof qui, devant son tableau, s’adresse à une classe attentive et homogène — et ce, entre deux périodes de loooongues vacances) et la tâche enseignante elle-même, avec ses multiples facettes. Préparation des cours, gestion de classe, encadrement et accompagnement des élèves (en ligne et en personne…), évaluation des travaux et des examens, coordination des stages, révision-actualisation-développement-promotion des programmes, participation aux réunions départementales et à la vie institutionnelle…
La tâche est complexe et déborde souvent des 32,5 heures/semaine pour lesquelles nous sommes rémunérés. La conciliation famille-travail est aussi un défi lorsque l’horaire de cours est de 8 h à 18 h et qu’il s’étend même, parfois, en soirée. De plus, le cégep accueille dix fois plus d’étudiantes et d’étudiants en situation de handicap qu’il y a dix ans, soit une personne sur dix. Déficit d’attention, troubles de santé mentale, troubles d’apprentissage, déficience physique… Les profs doivent adapter leur enseignement et leur gestion de classe, et prévoir plus de temps pour encadrer ces élèves et répondre à leurs besoins particuliers.
Job de fou, donc. Surtout pour les nouvelles enseignantes et les nouveaux enseignants, lesquels sautent souvent dans le train en marche, à quelques jours de préavis — sans garantie d’emploi pour le trimestre suivant, qui plus est, et à un salaire intéressant, soit, mais peu compétitif.
Ils ont beau être passionnés et investis, les profs, jeunes et vieux, ont souvent l’impression que tout ce travail n’est pas valorisé et que leur contribution à la société n’est pas reconnue à sa juste valeur.
Mais que font vraiment les profs de cégep?
Au-delà de la préparation-prestation-évaluation, au-delà de l’encadrement-discipline-gestion de classe, nous, profs de cégep, transmettons des connaissances, des compétences, des valeurs, des histoires. Nous enseignons des savoirs, des savoir-être, des savoir-faire. Nous permettons aux jeunes d’explorer, de découvrir, d’élargir leur horizon. Nous les sensibilisons aux enjeux sociaux et environnementaux. Nous formons des travailleuses et des travailleurs, des citoyennes et des citoyens, de futurs universitaires. Nous les soutenons et les orientons dans leurs projets. Nous suscitons et nourrissons des passions. Nous recollons parfois des jeunes en mille miettes. Nous en prenons soin et nous développons leur autonomie. Nous tentons, par tous les moyens, d’en faire des femmes et des hommes épanouis et engagés. Et pour faire tout cela, nous avons besoin de temps. Nous avons besoin de ressources qui permettent d’alléger la tâche.
Que veulent les profs de cégep?
D’une négociation de convention collective à l’autre, les demandes se suivent et se ressemblent. Si la négo de 2010, grâce à la concertation des syndicats et de la Fédération des cégeps, a permis des ajouts de ressources, la négo de 2015 a plutôt fait stagner la profession, comme le décret de 2005. Le fameux rangement 23, qui ne s’applique malheureusement pas aux nouvelles et nouveaux profs, a éclipsé presque toutes les demandes concernant la tâche — une tâche lourdement esquintée par les compressions budgétaires.
La pente à remonter est donc à pic. Mais nos demandes sont claires : une tâche enseignante plus réaliste et des conditions de travail plus humaines; une meilleure sécurité d’emploi; l’obligation pour les collèges d’adopter de véritables mesures de conciliation famille-travail; la reconnaissance de notre expertise disciplinaire et le respect de notre autonomie professionnelle; la prise en compte de l’impact du virage numérique sur la tâche.
Bref, nous demandons un peu d’air... et de respect. Cela devrait non seulement nous permettre de respirer, mais pourrait attirer davantage les nouvelles et les nouveaux enseignants… et nous aider à les garder. Espérons que le gouvernement (employeur-législateur, ne l’oublions pas) sera sensible à ces demandes et contribuera vraiment à valoriser notre profession, comme François Legault l’a promis dans son premier discours officiel à l’Assemblée nationale, en novembre 2018. « Être un enseignant, a-t-il dit, ça devrait être parmi les emplois les plus prestigieux dans notre société. » Il a même eu quelques bons mots pour l’éducation supérieure, qu’il a présentée comme « un levier pour créer de la richesse, pour les étudiants d’abord mais aussi pour toute la société ». Bien vu. Et cette richesse, ne l'oublions pas, n’est pas seulement économique.
La reconnaissance des pairs
Nous la connaissons bien, nous, la valeur de votre travail et de votre engagement. C’est pourquoi le Comité de coordination syndicale, en collaboration avec la direction des études, tient à souligner la Journée mondiale des enseignantes et des enseignants. Comme l’année dernière, nous distribuerons du café et des carrés au riz soufflé le lundi 7 octobre à l’entrée principale entre 7 h 45 et 8 h 15, puis nous ferons une tournée vers 10 h. C’est peu de chose, mais voyez-le comme un petit baume sur votre grand cœur d’enseignante ou d’enseignant qui, à l’aube de la mi-session, sera peut-être un peu fatigué. En espérant que cette petite attention vous donnera un peu d’énergie pour la suite — et pour la négo!