Tribune libre - J’y suis, avec la G-suite

Étienne Lemieux, technodino et prof de philo à l’IMQ

Un conte pour tous

Lorsqu’on m’a offert la possibilité de vous écrire ces quelques mots, mon premier réflexe a été de penser que je n’avais pas grand-chose à dire à des gens qui n’appartiennent pas à la réalité professionnelle de mon petit village gaulois (IMQ), que mes mots n’auraient probablement pas de résonnance à leurs oreilles. En même temps, j’ai plusieurs collègues au cégep avec qui il m’arrive de parler de choses intéressantes. J’ose donc un conte pour tous.

Mon histoire aurait pu débuter il y a plusieurs années. Pour les besoins de la cause, je vais la faire commencer le 11 avril dernier, alors que nous recevions un communiqué lié à «l’optimisation des technologies de l’information au collège de Rimouski». Notre directeur local, Daniel Dion, nous annonçait qu’il allait présider un comité dans le but de répondre aux «recommandations du Vérificateur général du Québec» liées à «la sécurité informatique ainsi qu’à la gestion contractuelle». À cette fin, il fallait «harmoniser les pratiques dans chacune des composantes» du collège pour que la reddition de compte auprès du MEQ soit plus efficace.

Harmoniser les pratiques dans chacune des composantes… 

Consensus, dites-vous?

Le même communiqué précisait les principes généraux devant guider le comité dans ses travaux dont l’idée que les modifications des «systèmes corporatifs […] devront faire partie d’un consensus entre les composantes» du collège.

L’idée de consensus est importante.  Dans ses relations avec le collège, l’IMQ est depuis très longtemps soucieux de son autonomie. Et c’est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de son service informatique. Si je vous disais que, jusqu’à il y a environ 8 ans, notre service informatique était géré à distance par le cégep.  C’était alors un véritable bordel: des problèmes récurrents de fonctionnement informatique étaient signalés, mais aucune solution n’était proposée. Qu’il s’agisse du remplacement de matériel désuet, de la mise à jour de simulateurs spécialisés en train de tomber en lambeaux ou de logiciels mal adaptés à notre réalité, les affrontements étaient incessants en comité TI (technologie de l’informatique). Si je vous disais qu’il y a environ 8 ans, nous avons rapatrié à l’IMQ la gestion de nos budgets.  Depuis, nous avons le bonheur de travailler dans un environnement informatique exceptionnellement stable. Pas de changements nombreux de plateforme institutionnelle nécessitant l’adaptation répétée de notre matériel pédagogique, pas de multiplication des formations pour apprivoiser de nouvelles technologies, pas de nouveaux besoins $$$ de soutien informatique. Un environnement stable aussi parce que tout changement à l’IMQ implique une collaboration étroite entre les départements et notre direction pédagogique. Les profs parlent avec leur directeur pédagogique de leurs besoins que celui-ci prend en compte. En est-il ainsi pour les profs du cégep? Peuvent-ils participer au choix des orientations de développement informatique de leur école? Je ne parle pas de l’instrumentalisation d’une minorité de profs qui salivent tout de suite devant la nouvelle bébelle chromée qui vient de sortir.  Je pense plutôt à la très grande majorité des gens non consultés.

Un enthousiasme hésitant

Mais si j’en reviens à l’IMQ et au communiqué évoqué auparavant («harmoniser les pratiques dans chacune des composantes»), un projet lié à l’harmonisation des pratiques est en cours à l’IMQ. Je veux parler ici de la possible installation de la Suite Google afin que l’IMQ participe plus «harmonieusement» à la grande famille collégiale rimouskoise. Choc culturel important, la petite communauté du village gaulois n’a pas été consultée jusqu’à maintenant. Heureusement, quand on est moins nombreux, il est plus facile de se consulter entre gens non consultés.  Pendant ce temps, dans leur irrésistible désir d’embrasser la grande famille du concept collège à pleine bouche, nos cadres dirigeants locaux semblent aller de l’avant avec le projet.

Je sais. Je sais. Pas facile de faire preuve d’esprit critique quand des technopieux enthousiastes, je pense à tous ceux pour qui la technologie acquiert une saveur quasi religieuse, nous font miroiter mer et monde à chaque changement de saison. De ces gens, on peut affirmer qu’en deçà du sens pratique, ils ont l’idéologie bien ancrée.  Certains exhibent même avec fierté leur accréditation de compétence délivrée par l’une ou l’autre des multinationales en vogue.

Mais voilà: toutes les commissions scolaires, la très grande majorité des cégeps, la plupart des grandes universités québécoises, toutes les écoles maritimes canadiennes, tous les partenaires industriels de l’IMQ et les différents niveaux de gouvernement ont choisi une autre plateforme collaborative (Office 365) que celle choisie par le Cégep de Rimouski. Sachant cela, beaucoup de gens non consultés de l’IMQ ont l’enthousiasme hésitant. En même temps, n’est-ce pas un réflexe égoïste de notre part que de refuser l’harmonisation de nos communications avec 0,0002857% de la population du Québec, sous prétexte qu’on aura vraisemblablement des problèmes de compatibilité avec le reste de la planète?

Épilogue

Mon père m’a souvent dit que les gens dont on doit le plus se méfier sont ceux qui sont convaincus de savoir ce qui est bon pour nous sans pour autant nous le demander. Leur condescendance n’a souvent d’égal que leur laborieux exercice de l’autorité.

Et pour le reste, à quand un DOODLE dans tout le cégep pour mesurer la satisfaction générale en regard de l’environnement de travail informatique, disons, depuis 7 ans?