L’Ordre de l’excellence en éducation du Québec: pour ou contre?

Jordi Nadal, enseignant en Mathématiques

Nous avons reçu au mois de mars un courriel de la direction du Service des Études concernant l'Ordre de l'excellence en éducation du Québec. On nous y invitait à «dénoncer» une ou un collègue dont le travail nous semblait inspirant. En tant qu’enseignant je me suis demandé  qui, parmi nous, pourraient bien se mériter une telle distinction. Plusieurs noms me sont venus à l’esprit, puis un, plus particulièrement.

Mais, en voulant dénoncer – positivement! – ce collègue, je me suis heurté à plusieurs obstacles et questions que je vous lance à mon tour dans l’espoir de faire surgir quelques réflexions et réponses.

 

Tout d’abord, les questions

Pourquoi un «Ordre»? Alors que le système d’éducation traverse une crise importante, que vient faire cette soudaine démarche?  Est-ce que le gouvernement cherche à nous habituer tranquillement à ce mot dans le but d'éventuellement imposer un ordre des enseignants? Ensuite, pourquoi – et comment mesurer – l’excellence? Ne sommes-nous pas toutes et tous dignes de cette médaille par les petits gestes héroïques que nous posons chaque jour?

 

Pourquoi un Ordre d’excellence ?

En discutant avec certains d’entre vous, je me suis aperçu que vous êtes nombreux à ne pas voir cet Ordre comme la panacée et plusieurs pensent également que le gouvernement devrait nous donner de meilleures conditions de travail, au lieu d’une médaille presque impossible à obtenir dans l’état actuel des choses.

Personnellement, je vois tout de même positivement le fait de reconnaitre l'excellence des enseignants dans le corps professoral du Cégep de Rimouski. Ne serait-ce que pour redonner aux profs le statut social honorifique qu’ils devraient avoir: ils forment les citoyens du futur, par leur travail, ils modèlent l’avenir. Leur rôle est fondamental et rien dans la société ne souligne ce fait. L’ordre d’excellence soulignerait l’excellence dans plusieurs domaines: la recherche certes, mais aussi l’engagement, le dévouement, etc.

 

Comment mesurer l’excellence?

En tant que prof, nous passons une grande partie de notre vie à évaluer nos élèves, mais comment évaluer une ou un collègue? Comment mesurer la qualité de l’enseignement, la force de l’engagement, l’intensité du dévouement de celle ou celui qui construit une oeuvre monumentale de patience et de dévouement, mais si discrètement que nul ne saura jamais ce que cette personne aura apporté à la communauté hormis ses élèves qui des années plus tard se souviendrons de cette personne et reconnaitront l’apport exceptionnel de son travail. On le sait, les professeurs sont des semeurs, mais il arrive que la récolte soit fort tardive. Ceux-là aiment la discrétion. Accepteraient-ils d’être dénoncés, même avec gentillesse et reconnaissance?

Et puis, il y a les flamboyants, celles et ceux dont le travail dépasse les murs de la classe, suscite admiration et enthousiasme.

Et entre ces deux exemples, il existe toute une gamme d’enseignantes et d’enseignants passionnés et passionnants.

Impossible de trouver une réponse précise et facile, mais le désir de «dénoncer» m’habitait sincèrement.

 

Ce qui m’amène aux obstacles

J'avais donc en tête le goût de soumettre la candidature d’une personne merveilleuse. Je la côtoie depuis quelques années et chaque jour je m’émerveille devant ses idées et son désir perpétuel d’innover dans son enseignement. Toujours à l’écoute, donnant son point de vue s’il lui est demandé, arrivant avec des idées nouvelles dans les cours qu’elle donne, telles sont les qualités que je notais en remplissant le formulaire de candidature ajoutant le point de vue de mes autres collègues qui ont enseigné ou travaillé avec elle ainsi que celui de ses anciens élèves.

C’est alors que je me suis rendu compte de l’énormité de la tâche que j’avais entreprise. Seul, je n’y arriverai jamais. Je me suis alors rendu aux bureaux de la direction pour demander s’il était possible d’avoir l’aide d’un conseiller pédagogique ou d’avoir quelques balises afin de remplir le formulaire le plus efficacement possible. Et bien sûr, comment faire pour annexer le C.V. alors que c’est un document confidentiel? Je crois que, comme moi, la direction était un peu sous le choc de la nouveauté.

 

Certaines réponses à mes questions

Après avoir réfléchi et discuté avec vous pendant plusieurs semaines, j’en arrive à un constat (personnel) que cette distinction peut être pertinente. À condition de la voir comme un outil qui fasse en sorte que collectivement on se concerte pour soumettre la candidature d’un pair.

Bien que nous aimerions avoir l’appui du collège aux propositions de candidatures que nous pourrions éventuellement faire, je crois important de former un comité composé de plusieurs catégories d’emplois du cégep. La composition exacte de ce comité reste à déterminer et la direction pourrait éventuellement en faire partie, mais je vois son rôle plus comme celui d’un leader qui pourrait établir une procédure claire qui nous aiderait dans nos intentions de soumettre la candidature d’un de nos nombreux excellents collègues. Et ce, en toute collégialité, sans que cela ne devienne un choix imposé.