Textes des gagnantes de la bourse Germaine-Santerre

Julie McDermott, responsable de communications, de la mobilisation et de la gestion interne

 

Cette année, le Comité du 8 mars du Collège a le plaisir de remettre non pas une, mais deux bourses de 500 $ en l’honneur de madame Germaine Santerre, ancienne employée du Cégep de Rimouski, qui a contribué à la mise sur pied des Services aux étudiants de notre cégep en 1967. Les gens qui l’ont connue soulignent tous sa générosité inépuisable, sa volonté acharnée d’améliorer le sort des plus démunis et son inlassable implication dans le milieu. Ils se rappellent aussi les luttes qu’elle a menées sans relâche pour la reconnaissance des droits et des besoins des étudiantes et des étudiants.

Chaque année, la bourse Germaine-Santerre est remise à des étudiantes qui, malgré des conditions défavorables, savent se montrer fortes et déterminées dans la poursuite de leurs études et la prise en charge de leur avenir. Cette année, nous avons reçu 11 excellentes candidatures et, même si c’est un peu cliché de le mentionner, il a été très difficile de faire un choix. En effet, pour postuler, les candidates devaient rédiger deux textes. Dans le premier, elles devaient se présenter et décrire leurs conditions de vie particulières. Dans le deuxième texte, elles devaient proposer une interprétation, réelle ou fictive, du thème de la Journée internationale des droits des femmes. Cette année, le thème était « Ça gronde ! ». Ces deuxièmes textes des gagnantes ont été lus sur la scène de la Salle Georges-Beaulieu lors de la soirée organisée par le Comité 8 mars élargi, et nous vous les présentons ici. 

Voici le texte de la première récipiendaire, Alixe Dallaire, étudiante en Navigation à l’Institut maritime du Québec : 

“ J’ai 4 ans, je me réveille un soir d’été, et ça tonne, non, ça gronde. C’est fort, puissant et lumineux dans la nuit, ça résonne en dedans de moi. C’est l’inconnu, épeurant mais aussi intriguant. Puis j’ai 6, 8, 13, 15 ans. Et maintenant rendue adulte, ça gronde encore. Le même grondement, mais la fille, la femme, elle, a changé, grandi et grondé, ce qui lui a permis d’être entendue, d’être vue et comprise. Je me retourne, je suis une lionne dans la savane qui rugit pour protéger ses petits. Je cligne des yeux, je suis le tonnerre, l’éclat de la foudre et l’orage qui apporteront eau et abondance à la terre. Je plonge dans cet infini, j’incarne la mer déchaînée qui porte la vie, pleine de ressources et de mystères encore non découverts. Je glisse, c’est chaud, voire brûlant, un mélange de couleurs puissant et vibrant, rouge d’un vif que l’on peut seulement imaginer en rêve. J’incarne un volcan, prêt à exploser et à libérer sa lave riche en minéraux. Je sais que j’apporterai fertilité et renouveau après mon éruption, on doit laisser le temps aller. Je tombe, ça tourbillonne, je ferme les yeux et j’entends le flow de la vie. Je revois mes ancêtres. Les femmes qui ont porté le mal, le bien, mais aussi la vie et le changement. Qui se sont battues, sans le savoir, pour moi. J’ouvre mes yeux, je suis réveillée. Mais est-ce vraiment terminé? Nous sommes en 2024, je suis une femme libre et respectée qui continuera de gronder pour les générations futures.” 

Voici maintenant le texte de la deuxième récipiendaire, Valérie Lepape, étudiante en Éducation spécialisée au Cégep de Rimouski:

“ France, 1968. Je nais fille dans une famille que je pense saine, une aubaine me direz-vous !

Mais à bien y réfléchir, en est-ce une ?

DICTAT ! La femme ici-bas doit être soumise :  sois belle et tais-toi ! Ça gronde !

DICTAT ! La femme doit être mince et coquette:  rentre le ventre, serre les fesses, tiens-toi droite ! Ça gronde !

Je m’enfuis d’une simili cage dorée vers  une cage moins dorée. J’enfante. Trois fois. Bonheur simple de petits êtres qui ne te jugent pas.

DICTAT ! Le devoir conjugal. Le NON n’est pas de mise. Ça gronde !

Je m’enfuis d’une cage moins dorée vers  une cage bien perverse. J’enfante. Ma dernière petite cerise sur mon gâteau de bonheur.

DICTAT ! Les femmes sont toutes des péripatéticiennes ! Ça gronde !

Je m’enfuis d’une cage bien perverse vers  une cage monoparentale mais où, au moins, je me sens un peu plus moi.

Je bosse, je jongle, je bosse, je cours, je bosse, je m’épuise, je bosse, je m’accroche, je bosse, je gère !

Une vraie pro de l’organisation.

DICTAT ! Mais voyons donc, avec 4 enfants, restez à la maison ! Ça gronde !

Comme si rester à la maison faisait bouillir la marmite.

Je bosse, je m’investis, je m’essouffle, je bosse, je monte des projets, ils s’en foutent ! Ça gronde !

Mon dernier oiseau quitte le nid, mais reste encore sous mon aile. Je pallie ses frais.

Je m’enfuis, il est temps pour moi de m’envoler, de souffler et d’être moi.

DICTAT ! Une femme doit se sacrifier pour les Autres. J’explose !

Rimouski me voilà !

Colocation, je gère.

Double frais, je compte.

Reprise des études, je persévère.

Vie précaire, je décompte.

Pour, je l’espère, le meilleur à...venir !