Le 19 janvier prochain, les membres du SEECR seront appelés à se prononcer sur un mandat de grève dans le cadre des négociations de notre prochaine convention collective. Pourquoi? Parce que présentement, les négociations semblent complètement bloquées. Il n’y a aucune ouverture, aucune écoute du côté patronal, et le moment est venu de mettre davantage de pression. Il semble clair que les actions de mobilisation posées jusqu’ici ne permettent pas de faire comprendre à la partie patronale que nous sommes résolus à améliorer nos conditions de travail. Que faire, alors? Se doter d’un mandat de grève? Oui. Et pour de multiples raisons.
Soutenir nos représentantes et représentants syndicaux
Nous le savons toutes et tous, nos conditions de travail se sont dégradées au cours des dernières années. La tâche s’est alourdie, les contraintes administratives se sont multipliées et le financement ne permet pas de soutenir adéquatement notre mission éducative. Les revendications syndicales que nous avons déposées il y a plus d’un an sont légitimes. Nécessaires. Et nos représentantes et représentants syndicaux, à la fédération comme ici au SEECR, ont tout fait pour le démontrer à la partie patronale. Des heures et des heures à expliquer, argumenter, démontrer. Et nous savons que nous avons de très bonnes équipes pour nous représenter au national comme au local. Mais cela semble insuffisant.
Il est évident qu’elles ont maintenant besoin de notre appui, de nos voix, pour faire entendre raison à nos patrons. Quand il n’y a pas d’écoute, quand on se retrouve face à des gens de mauvaise foi, il faut aborder cette négociation autrement. Il faut maintenant faire jouer le rapport de force. Les enseignantes et les enseignants de cégep méritent qu’on les écoute, qu’on les entende. Faire la grève, c’est choisir de faire résonner nos voix. De dire : ça suffit, ça ne fonctionne plus.
En toute solidarité
Faire la grève, c’est donc afficher notre détermination à défendre nos revendications de profs de cégep. C’est manifester notre solidarité et faire reconnaître l’urgence d’améliorer nos conditions de travail personnelles et celles de nos collègues des autres disciplines. Actuellement, faire la grève, c’est également poser un geste de solidarité syndicale avec nos collègues professionnels et nos collègues du personnel de soutien qui eux aussi sont en négociation et qui ont bien besoin d’améliorer leur sort.
Faire grève en ce moment, c’est marcher aux côtés des enseignantes et enseignants du primaire et du secondaire, des employées et employés du réseau de la santé et des services sociaux qui choisiront aussi de se manifester par un arrêt de travail. Faire la grève maintenant, c’est participer à un vaste mouvement de solidarité syndicale en défendant à la fois nos revendications et en témoignant notre appui à l’ensemble des travailleuses et des travailleurs des services publics.
De l’argent gaspillé?
On entend parfois que l’argent que nous sacrifions lors de ces journées de grève, c’est de l’argent perdu. Bien sûr, à très court terme, nous abandonnons une partie de notre salaire. Mais quand on l’évalue à moyen et à long terme, nous constatons qu’il a constamment été avantageux financièrement de se priver de quelques jours de salaire afin de forcer le gouvernement à bonifier son offre salariale. Au cours des dernières négociations, nous avons non seulement récupéré ces pertes salariales, mais nous avons amélioré notre situation financière à l’intérieur même de la durée de la convention. Alors imaginez sur une carrière de trente ans.
Et au-delà des gains financiers que nous procurent à moyen et long terme nos journées de grève, il faut noter que c’est aussi lors de ces grandes mobilisations que nous arrivons régulièrement à faire reculer la partie patronale sur ses propres demandes. Au fil des négociations, à titre d’exemples, nous avons toujours réussi à forcer la partie patronale à abandonner ses attaques à la sécurité d’emploi ou à renoncer à ses prétentions de transformer les coordinations départementales en postes de gestionnaires. Des gains importants s’il en est.
Et si ce n’était que par dignité
Depuis mars dernier, la crise sanitaire est venue alourdir encore davantage notre tâche. Les profs de cégep se sont retroussé les manches afin de permettre aux étudiantes et étudiants de poursuivre leurs études collégiales. Nous tenons l’enseignement à bout de bras, sans véritables ressources supplémentaires. Nous nous sommes adaptés. Nous avons inventé, patenté toutes sortes de méthodes pour amener nos jeunes le plus loin possible.
Aujourd’hui, il est consternant de constater que même après tout ce travail supplémentaire et ce professionnalisme irréprochable, la partie patronale refuse de reconnaître l’alourdissement de notre tâche et les besoins que nous avons si bien documentés. Ce mépris est inacceptable. Faire la grève dans ces circonstances, c’est aussi poser un geste de dignité. Nous méritons davantage de respect de la part de nos patrons et de notre gouvernement.
Pour cette belle aventure qu’est l’enseignement collégial
Je suis personnellement en fin de carrière. J’en suis à ma 7e ou 8e négociation de convention collective. Ma dernière, vraisemblablement. J’ai toujours été actif, impliqué. J’ai vécu de grandes joies, des déceptions aussi. Mais j’ai toujours vu de grandes solidarités se bâtir lors de ces négociations. Pour la cause syndicale, mais surtout pour la défense de gens que je respecte et apprécie. Et ça, c’est sans prix. À deux ans de la retraite, je pourrais détourner le regard, laisser faire. Mais j’ai trop de respect pour notre profession, trop de respect pour mes collègues qui poursuivront l’aventure de l’enseignement collégial. Et c’est une très grande aventure.
C’est avec dignité, détermination et solidarité que le 19 février prochain, je serai présent à l’assemblée générale du SEECR et que je voterai en faveur de la grève.