30 ans après l’attentat antiféministe à Polytechnique

Catherine Paradis, responsable du Comité de la condition des femmes

30 ans. Le 6 décembre, ça fera 30 ans que 14 étudiantes de Polytechnique ont été tuées en plein cours par un jeune homme qui a déclaré qu’il haïssait les féministes. Les faits sont tristement célèbres. Pour un rappel des événements, je vous invite à relire mon article de l’année dernière ou à visionner le troublant film de Denis Villeneuve. J’ai plutôt envie de vous parler de 2019.

30 ans plus tard, on ose enfin nommer les choses. Un nouveau panneau commémoratif sera bientôt installé à la place du 6-Décembre-1989, à Montréal. À la suggestion de deux chercheuses du Regroupement québécois en études féministes, Mélissa Blais et Diane Lamoureux, le texte figurant sur le panneau identifiant la Place a été modifié pour mieux refléter « la nature de l’événement et le sexe des victimes ». Sur le panneau original installé en 1999, le texte dit : « Ce parc a été baptisé en mémoire des victimes de la tragédie survenue à l’École Polytechnique, le 6 décembre 1989. Il veut rappeler les valeurs fondamentales du respect et de la non-violence. »

La nouvelle version sera plus précise : « Ce parc a été nommé en mémoire des 14 femmes assassinées lors de l’attentat antiféministe survenu à l’École Polytechnique le 6 décembre 1989. Il veut rappeler les valeurs fondamentales de respect et condamner toutes les formes de violence à l’encontre des femmes. » 

Et les violences faites aux femmes, 30 ans plus tard? 

Il y a certains progrès… et certains reculs. Je pourrais vous parler de la victoire de Kimberley Martin, étudiante à la maîtrise en génie à l’ETS, qui a fait de la lutte contre les violences sexuelles son combat. Après quatre longues années de démarches pour dénoncer le harcèlement sexuel dont elle avait été victime, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse lui a finalement donné raison. Je pourrais aussi vous rappeler que nous avons enfin une loi pour prévenir et combattre les violences à caractère sexuel dans les établissements d’enseignement supérieur. Nous pourrions d’ailleurs nous réjouir de l’enquête sur les violences sexuelles au cégep qui vient d’être amorcée. Mais j’ai plutôt envie de vous donner des chiffres. Et ces chiffres montrent bien que près de 30 ans plus tard (les statistiques sont de 2015 et 2016), un nombre effarant de femmes subissent toujours différentes formes de violence, que ce nombre augmente et que les femmes sont toujours surreprésentées dans les cas de violence conjugale et d’agression sexuelle.

  • En 2015, les corps policiers ont enregistré 19 406 infractions contre la personne commises1 dans un contexte conjugal au Québec. Ce nombre a augmenté de 2,5 % entre 2014 et 2015. En 2015, les victimes sont des femmes dans 78,0 % des cas2.
  • Dans la population âgée de 18 à 29 ans, 7 316 cas de violence conjugale ont été déclarés en 2015. Cela correspond à une hausse de 2,5 % depuis 2013. Dans ce groupe d’âge, les femmes constituent 82,2 % des victimes de violence conjugale.
  • En 2015, 8 femmes et 3 hommes ont été victimes d’homicides conjugaux. Pour ce qui est des tentatives de meurtre commises dans un contexte conjugal, 29 ont été dirigées contre des femmes (une hausse de 20,8 % par rapport à 2014) et 7 contre des hommes (une hausse de 16,7 % par rapport à 2014)2.
  • On recense au Québec 4 006 agressions sexuelles déclarées en 2016 : 87,2 % des victimes de ces agressions sont des femmes3

12 jours d’action contre les violences faites aux femmes

Pourquoi 12 jours? 12 jours d’action pour faire le pont entre le 25 novembre, proclamé par l’Assemblée générale des Nations Unies Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, et le 6 décembre, Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes, qui commémore l’attentat antiféministe dont nous parlions plus haut.

Cette année, le Comité de la condition des femmes du SEECR soulignera assez sobrement le 6 décembre. Ce vendredi-là, vous trouverez près de l’escalier devant la salle Georges-Beaulieu des paravents avec, notamment, les photos des victimes du féminicide de Polytechnique et des statistiques sur les violences faites aux femmes. Il y aura aussi une table avec des dépliants et des rubans blancs, ainsi qu’une boîte pour recueillir vos dons pour le CALACS de Rimouski (Centre d’aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel) et la Débrouille, maison d’aide et d’hébergement pour femmes et enfants victimes de violence conjugale à Rimouski.

Nous vous invitons également à participer à la vigile en commémoration des 30 ans de la Polytechnique et contre les violences faites aux femmes organisée par le Centre-Femmes de Rimouski, le CALACS, le Paradis, Paraloeil et la Débrouille, toujours le vendredi 6 décembre de 12 h à 13 h à la Coopérative de solidarité Paradis (274 rue Michaud, Rimouski). Au programme : discours engagés contre les violences faites aux femmes (violence conjugale, sexuelle, systémique…), vigile, soupe populaire et, à partir de 13 h 30, projection du documentaire En quête de protection chez Paraloeil dans le cadre de « Vues partagées », suivi d’une discussion. 

Bienvenue à toutes et à tous!

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Notes

  1. Le ministère de la Sécurité publique regroupe sous le terme d’infractions contre la personne les gestes suivants : agression sexuelle, enlèvement, harcèlement criminel, homicide, menaces, séquestration, tentatives de meurtre, voies de fait.
  2. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE (2017). Les infractions contre la personne commises dans un contexte conjugal au Québec en 2015, [en ligne], Québec, Ministère de la Sécurité publique, https://bit.ly/2JVs2LY (Page consultée le 31 octobre 2018).
  3. STATISTIQUE CANADA (Page consultée le 30 mai 2018). « Feuillet d’information Québec : victimes de crimes violents déclarés par la police au Québec, 2016 », Victimes de crimes violents déclarés par la police au Canada : feuillets d’information national, provinciaux et territoriaux, 2016, [en ligne], https://bit.ly/2Jd42DZ 85-002-X.